24 juillet 2009

Ébauche de réflexion sur le sens de la vie, ébauche étant le terme à retenir

Nous vivons dans un monde où les ministres de la Culture ne connaissent pas la culture et où La Poule aux oeufs d'or détient les records de cotes d'écoute semaine après semaine depuis un quart de siècle. Nous vivons dans un corps, aussi. Un corps qui, exceptions faites, est instinctivement charmé par ce qui peut le tuer, comme le sucre ou la friture, forçant ainsi l'être humain à mesurer sa qualité à la capacité qu'il a de se priver, se retenir, se raisonner, se discipliner. C'est le portrait que je dresse en ce vendredi soir, alors qu'affamée (de gourmandise), je m'en vais au lit fière de ne pas m'être vautrée dans une demi-tasse de céréales sèches ou une douzaine de mini-carottes.

Mon ton plaignard est là pour le spectacle seulement, cela dit. Mon alimentation, avec le sport et l'écriture, fait partie des rares éléments qui aident à mon bonheur, justement par la souffrance qu'elle procure. Je ne vous expliquerai pas ici les principes de base du sadomasochisme puisque je ne les maîtrise pas bien, mais je peux élaborer sur certains principes semblables, judéo-chrétiens ceux-là, qu'en revanche j'ai pratiqués avec assiduité. Les sadomasochistes parleraient sûrement d'auto flagellation mais j'emploierai plutôt l'expression ''gagner son ciel''.


Les deux millions de cote d'écoute de La Poule et le virage pop de Marc Hervieux - regardez-le bien vendre 50 000 albums dans le temps de le dire et se retrouver en nomination à L'Adisq l'an prochain, et gagner - sont de tristes constats dont les répercussions sont difficiles à mesurer et qu'il n'est pas de mon ressort de freiner. C'est peut-être juste ça, ''gagner son ciel''. Tomber par hasard sur un cas d'obésité morbide en zappant à TLC, apprendre qu'un des wagons, si ce n'est le train au complet, est monopolisé par Josélito, occupé à tirer le jus d'un invité endeuillé quelque part entre Sherbrooke et Magog (avec la grève de Via Rail, peut-être le croiserez-vous à bord d'une calèche dans le Vieux-Montréal...) ou pire, croiser Johanne Despins sans maquillage à l'épicerie. Des épreuves à première vue anodines mais qui finissent par miner un moral.

Pourtant, ces attaques sournoises ne pèsent pas dans la balance lorsqu'on est à l'heure des bilans. On les oublie, toutes ces écorchures invisibles - hier, j'ai vu un monsieur tout à fait normal se vider la vessie devant chez moi - qui s'accumulent jour après jour, que l'on traîne avec soi et qui sont responsables, peut-être, de la deuxième portion de dessert que l'on ne peut s'empêcher d'engloutir ou du matin où l'on préfère dormir plutôt que de se rendre au gym.

On se sent coupable de ne pas se fouetter davantage et on se cogne la tête en se disant qu'on n'aura peut-être pas, en bout de ligne, gagné son ciel (ou sa crème glacée, c'est selon). Faux. Le tirage a été fait il y a des lunes et tout le monde a gagné. Maintenant, changeons d'excuse.
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15 juillet 2009

Le pouvoir du titre

Aujourd'hui, je peux dire que je vis de mon art. Et je le dis, croyez-moi. Ce matin, j'aurais apostrophé un inconnu sur la rue pour lui en parler et hier, j'ai discuté écriture, autonomie et choix de vie avec mon entraîneur au gym, que je rencontrais pour la première fois. Il semblait abonder et penser que j'avais trouvé ma voie. D'ailleurs, je me demande en ce moment si j'irai davantage au gym pour pavaner mon nouveau statut d'auteur en sueur et en leggings que pour améliorer mon RPM. On se souvient toujours de l'endroit où l'on fait son coming out et l'on y retourne avec enthousiasme puisqu'on s'y sent un peut plus léger qu'ailleurs. (Cette dernière analogie sonne bien mais la deuxième partie est à vérifier, je crois.)

L'histoire ne dit pas ce que j'écris, ni pour qui. Peu importe. Lorsqu'on apprend qu'un cousin est devenu avocat, on ne lui demande pas sur quelle cause insipide, humiliante et dont l'issue ne pénalise ni Jean ni Jacques, il s'est fait la main. On veut juste voir sa carte et ploguer notre lien de parenté avec lui, dans une discussion qui à priori nous désavantage.

Une bonne amie à moi journaliste me dirait que dans le jargon du métier, on appelle ça de l'enflure verbale. Elle a aussi, d'ailleurs, une carte.

À ce sujet, je constate avec effroi que plus les années avancent, plus les personnes rencontrées dans ma vie se retrouvent avec des métiers, métiers souvent pigés au hasard de leur besoin de sécurité criant et de la pression parentale (je ne parle pas ici de mon amie journaliste, qui elle a un tout autre parcours), et formeront bientôt les professionnels à qui l'on se fie pour maintenir le bon ordre. J'aimerais que vous fassiez l'exercice d'écrire sur une feuille le nom de tous vos collègues de classe depuis la petite école avec qui vous ne vouliez pas être en équipe, de vous dire que chacun d'entre nous possède une liste d'une longueur semblable, et de vous promener en société en toute tranquillité d'esprit. Impossible.

Mon entraîneur est peut-être sur votre liste, qui sait?

Avec la scolarité, on apprend à cacher son insécurité derrière des termes et des diplômes et avec l'âge, on apprend à feindre la passion, ce qui donne les ingrédients nécessaires pour former le parfait travailleur. Parfois, c'est seulement l'instinct de survie qui s'active pour nous donner l'impression d'être dans la bonne vie. Ce qui est peut-être vrai. Mais l'élève de la petite école n'est jamais loin. Lui nous le dira; suffit de poser les bonnes questions.

En entrevue, la question :''En éducation physique, étiez-vous choisi en premier ou en dernier?'' serait à mon avis la question No. 1 à poser, et j'ajouterais : ''Selon vous, pourquoi?'' (tout le monde sait que les aptitudes sportives ne sont pas le seul critère de sélection), question beaucoup plus pertinente que la question: ''Pourquoi devriez-vous obtenir le poste plutôt que quelqu'un d'autre?'' dont le sous-texte est ''Quelle est votre capacité à être hypocrite en entrevue, hypocrisie que vous traînerez ensuite allègrement dans votre milieu de travail?''.

Mais je rêve en couleurs, je crois. Je sais, je l'ai dit à mon entraîneur quand il m'a donné sa carte: ''Moi, je suis une artiste. Je n'ai pas de carte. D'ailleurs, je perdrai sûrement la vôtre.''
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