Je viens d'un pays où les hommes ont des coeurs de petites filles et où les femmes conduisent les motoneiges. D'un pays où la mode est secondaire puisque c'est la beauté du paysage qui nous habille et qu'à côté d'elle, on a l'air d'un pou. D'une région où les beaux gars marchent des heures dans la neige jusqu'aux hanches pour revenir du travail (là, je romance un peu mais c'est presque ça) et trouvent le temps d'apprendre à jouer de la guitare. Et à en pleurer.
À l'Anse-Saint-Jean, on a appris à dire "je t'aime" en même temps que le soleil se levait au bout du quai, un 24 juin au matin. On allumait le feu avec du gaz, parce qu'on était jeunes et pressés de frencher, mais on savait comment regarder ça, un feu. On ne se voyait que les yeux, et le reflet des flammes dedans (ou des phares de quatre roues), et on ne se fuyait pas. On revenait à la maison en voiture, à quatre mains sur le volant pour bien négocier les courbes après 12 heures de brosse en ligne. On ne voulait surtout pas mourir.
On ne se disait pas grand-chose, parce qu'on était pas mal seuls en réalité, bien saouls et parce qu'il y a peu à dire quand on ne connaît rien encore. Mais les messages passaient doucement, les émotions montaient avec la marée et nous bousculaient, éteignaient le feu si on ne le reculait pas à temps (ou si tout le monde pissait dedans). Appréciant la force des moments sans jamais vraiment saisir leur essence, nous recommencions le lendemain, au cas où ça se préciserait.
Ça ne s'est jamais précisé. Parce que. Mais le souvenir est resté et je m'ennuie de vous, chers compagnons de l'Anse. Il y avait dans ces matins-là tout ce qu'il faut savoir de la vie.
(Ce texte est écrit au passé pour faire croire que je suis maintenant ailleurs mais en réalité, je n'ai jamais réussi à passer à autre chose, je n'ai pas vieilli d'une seconde et je ne sais pas si j'en reviendrai un jour. Honnêtement, j'en doute.)
À l'Anse-Saint-Jean, on a appris à dire "je t'aime" en même temps que le soleil se levait au bout du quai, un 24 juin au matin. On allumait le feu avec du gaz, parce qu'on était jeunes et pressés de frencher, mais on savait comment regarder ça, un feu. On ne se voyait que les yeux, et le reflet des flammes dedans (ou des phares de quatre roues), et on ne se fuyait pas. On revenait à la maison en voiture, à quatre mains sur le volant pour bien négocier les courbes après 12 heures de brosse en ligne. On ne voulait surtout pas mourir.
On ne se disait pas grand-chose, parce qu'on était pas mal seuls en réalité, bien saouls et parce qu'il y a peu à dire quand on ne connaît rien encore. Mais les messages passaient doucement, les émotions montaient avec la marée et nous bousculaient, éteignaient le feu si on ne le reculait pas à temps (ou si tout le monde pissait dedans). Appréciant la force des moments sans jamais vraiment saisir leur essence, nous recommencions le lendemain, au cas où ça se préciserait.
Ça ne s'est jamais précisé. Parce que. Mais le souvenir est resté et je m'ennuie de vous, chers compagnons de l'Anse. Il y avait dans ces matins-là tout ce qu'il faut savoir de la vie.
(Ce texte est écrit au passé pour faire croire que je suis maintenant ailleurs mais en réalité, je n'ai jamais réussi à passer à autre chose, je n'ai pas vieilli d'une seconde et je ne sais pas si j'en reviendrai un jour. Honnêtement, j'en doute.)
Photo: Nathan Gaudreault
Si ce n'était pas ça l'histoire inachevée, ça aurait été autre chose. C'est doux en même temps la nostalgie.
RépondreEffacerJ'ai adoré.