3 mars 2010

Printemps

Les moments qui me vont le mieux sont ceux qui viennent juste avant l'émoi, quand le coeur n'est pas encore submergé par la passion et que l'oeil n'est encore embrouillé par aucun des filtres d'un sentiment obsessionnel quelconque. (Attention, mes théories à ce sujet valent toutes à peu près 2 cennes mais elles font semblant de m'éclairer, ce qui est suffisant - ça vaut aussi pour les humains - pour que je m'accroche à elles.)

À ce moment-là, donc, c'est avec la tête tiède que je me promène dans le monde et de toutes les températures, c'est celle qui me procure les idées les plus consistantes, faites à la fois de fine allégresse et de gros bon sens. Qu'il est agréable de s'inventer un rendez-vous et d'en vivre l'excitation sans avoir à se préoccuper pour vrai des détails vestimentaires, alimentaires et de transport en commun. J'irais parfois jusqu'à dire que la vie serait nettement plus douce si, suite à la naissance d'une excitation nouvelle, aux abords d'un possible frémissement du coeur, l'amour ne venait finalement jamais, réservé qu'il serait aux histoires de princesses au point de ne jamais avoir le droit de traverser dans cette vie-ci.

Nous nous verrions ainsi protégés de nous-mêmes, à l'abri de notre légendaire consentement à nous laisser broyer par autrui. Nous marcherions d'un pas léger mais bien ancré au sol, guidés à la fois par la rêverie, la supposition (pour les rares qui vivent bien avec) et la raison. Malheureusement, sans la connaissance que c'est justement l'amour qui nous attend au bout du chemin, le moment qui le précède n'aurait pas la même résonnance. Ne mériterait même pas mention.

Oui, dans la suite logique, comme il vient un printemps après chaque hiver et un album de reprises après chaque creux de carrière, il vient après l'effervescence inoffensive des premiers contacts la rude dégringolade vers le gouffre amoureux, où se voisinent de façon pernicieuse la détresse, l'incertitude et une sorte de mixture imprécise à l'arrière-goût de perte identitaire.

Fini, la période grisante où la petitesse du sentiment nous laisse encore toute la place pour exister, juste avant que l'autre ne se glisse sournoisement dans chaque recoin de nous, finissant par nous faire oublier qu'il y a de cela deux semaines, nous possédions encore nos moyens, faisions des projets pour nous-mêmes et dormions seuls à poings fermés sans aide, sans le support d'une compagnie imaginaire.

Mais ça se gâte. En plein lieu public, après un échange de deux ou trois phrases, quelqu'un repart avec mon numéro de téléphone et ma tranquillité d'esprit. Si précieuse tranquillité d'esprit.

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