Une des premières journées chaudes et humides de l'été. Une fille entre dans la librairie en trombe, se suspendant à la porte coulissante comme un clochard, accompagnée de trois amis, normaux amis. On ne voit qu'elle, pour s'être pris un majestueux coup de soleil en plein visage et surtout, pour crier à tue-tête des paroles sans intérêt destinées à ses compagnons masculins, qui, si j'ai bien saisi les rouages de leur relation, ne l'écoutent pas une seconde. À mon avis - moi, bien sûr, témoin de la scène, en bouquinant tranquillement - elle est la soeur de l'un, le lift de l'autre ou, si je pousse un peu, la fuck friend du troisième. Considérant le troisième bien dépourvu d'options.
Elle n'est pas déficiente, pas trisomique, pas droguée. Juste too much, comme des milliers d'autres filles, la race de filles pour qui la vie se déroule uniquement à l'extérieur d'elles, qui n'ont pas conscience de leur présence corporelle en un lieu, et qui se prennent un solide coup de soleil au premier rayon, parce qu'elles ne retiennent des leçons de rien, trop occupées à aimer le soleil davantage que la normale, une valeur sure, faute d'avoir quelque chose à aimer pour elles-mêmes, en se la fermant et en donnant une pause à leur entourage.
C'est vers moi qu'elle se dirige, postée devant le présentoir des meilleurs vendeurs. (Pour la centième fois, je tourne autour du livre de Denise Bombardier sur Céline Dion et je renonce. Non. Je ne flancherai pas. Je ne financerai pas, par l'achat de ce recueil d'anecdotes qui me font pourtant saliver, les prochaines activités exubérantes de la Bombardier, qui court après mes idoles sans secondaire 5 en brandissant, en guise d'appâts, ses diplômes et sa superbe de carton. Oui, j'aurais voulu être dans ce jet à sa place. Oui. Mais non, je ne saurai pas quelles faveurs la Denise y a obtenues. J'attendrai de le lire en cachette chez ma mère.)
La too much se poste à côté de moi, pour ne pas dire ''sur moi'', et attrape le même livre que moi (je louche vers Bombardier, mais je feuillette autre chose, Toni Morrison, pour brouiller à moi-même mes propres pistes). Dans un endroit comme une librairie, elle ne sait pas à quel saint se vouer, c'est évident. Moi non plus, mais j'ai l'avantage de faire ça discrètement. Elle crie dans mon oreille, s'adressant à ses supposés amis, qui se foutent éperdument d'elle. Ça me rend triste mais elle me crache au visage en parlant, alors ma tristesse s'éclipse.
Je voulais lui dire: ''Ma pauvre, rentre chez toi. Vas respirer et trouver qui tu es, parce que tu cries dans une librairie et que tes amis profitent de toi en ce moment.''
Je lui dis plutôt : ''Tu devrais mettre de la crème solaire.''
Elle me répondit: ‘'Scuse, je ne t'avais pas vue.''
Je sais. Je sais. À mon avis, son manque de confiance lui cache souvent la vue. Mais je n'ai pas de leçon à donner à personne, j'imagine. Pas tant que je ne sortirai pas fièrement d'ici avec le livre qui me tente sous le bras.
Elle n'est pas déficiente, pas trisomique, pas droguée. Juste too much, comme des milliers d'autres filles, la race de filles pour qui la vie se déroule uniquement à l'extérieur d'elles, qui n'ont pas conscience de leur présence corporelle en un lieu, et qui se prennent un solide coup de soleil au premier rayon, parce qu'elles ne retiennent des leçons de rien, trop occupées à aimer le soleil davantage que la normale, une valeur sure, faute d'avoir quelque chose à aimer pour elles-mêmes, en se la fermant et en donnant une pause à leur entourage.
C'est vers moi qu'elle se dirige, postée devant le présentoir des meilleurs vendeurs. (Pour la centième fois, je tourne autour du livre de Denise Bombardier sur Céline Dion et je renonce. Non. Je ne flancherai pas. Je ne financerai pas, par l'achat de ce recueil d'anecdotes qui me font pourtant saliver, les prochaines activités exubérantes de la Bombardier, qui court après mes idoles sans secondaire 5 en brandissant, en guise d'appâts, ses diplômes et sa superbe de carton. Oui, j'aurais voulu être dans ce jet à sa place. Oui. Mais non, je ne saurai pas quelles faveurs la Denise y a obtenues. J'attendrai de le lire en cachette chez ma mère.)
La too much se poste à côté de moi, pour ne pas dire ''sur moi'', et attrape le même livre que moi (je louche vers Bombardier, mais je feuillette autre chose, Toni Morrison, pour brouiller à moi-même mes propres pistes). Dans un endroit comme une librairie, elle ne sait pas à quel saint se vouer, c'est évident. Moi non plus, mais j'ai l'avantage de faire ça discrètement. Elle crie dans mon oreille, s'adressant à ses supposés amis, qui se foutent éperdument d'elle. Ça me rend triste mais elle me crache au visage en parlant, alors ma tristesse s'éclipse.
Je voulais lui dire: ''Ma pauvre, rentre chez toi. Vas respirer et trouver qui tu es, parce que tu cries dans une librairie et que tes amis profitent de toi en ce moment.''
Je lui dis plutôt : ''Tu devrais mettre de la crème solaire.''
Elle me répondit: ‘'Scuse, je ne t'avais pas vue.''
Je sais. Je sais. À mon avis, son manque de confiance lui cache souvent la vue. Mais je n'ai pas de leçon à donner à personne, j'imagine. Pas tant que je ne sortirai pas fièrement d'ici avec le livre qui me tente sous le bras.
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