22 janvier 2009

Guérir à petit feu

L’être humain est en constante convalescence. En ce moment, je me remets de l'assermentation de Barack Obama. C’est vrai. On est toujours en train de se remettre de quelque chose (sinon, on cherche désespérément de quoi s'affliger). Un matin, c’est du party de la veille ; l’autre, c’est d’une mauvaise nouvelle, d’une déclaration d’amour, d’une réplique aberrante, d’une poussée d'acné. Plus couramment, c'est de devoir faire venir une nouvelle carte de guichet du Saguenay, apprendre un nouveau N.I.P sélectionné par une machine, sentir le jugement au bout du fil...
A ça s’ajoutent les convalescences des gens qu’on aime, dont il faut aussi se remettre. Et de ceux qu’ils aiment. Ainsi de suite, jusqu’aux limites de sa propre émotivité. Jusqu’à son seuil personnel d’indifférence. (Il paraît que certaines âmes arrivent à ressentir de la joie ou de la peine pour un quidam qui gravite autour d'eux à six ou sept degrés de connaissance. Get a life . Je n'arrive parfois même pas à susciter ma propre empathie.)

On le sait : j’ai arrêté de boire il y a maintenant 7 mois et 9 jours (encore au stade agressif). Propension à l’extravagance depuis l’enfance (limite mythomane) suivie d’une sournoise déviation, d’un dérapage de ma définition de party et maintenant, d’une convalescence volontaire et nécessaire au tournant de mes 26 ans. Je suis la Lindsay Lohan des pauvres. Désolée, je l'ai dit en premier. Les autres, vous avez le choix entre Kristen Dunst, Scott Weiland, Britney Spears, Amy Whinehouse, Miss Florida 1974 (moins in celle-là), Justin Chambers de Grey's Anatomy (lui combine toxicomanie et trouble du sommeil, pour ceux qui se reconnaissent), ou Drew Barrymore (pour les trentenaires qui ont déjà assez de stock pour une bio.). Ou France Castel.

Le fait que la désintoxication soit à la mode ces temps-ci ne me rend pas peu fière. La dernière fois que j'ai suivi une tendance, elle était vestimentaire et elle s'attachait dans la fourche.

Je me suis vite rendue compte qu’à l’intérieur d’une guérison comme celle de l’alcoolisme s’insérait une quantité infinie de petites convalescences secondaires qui justifieraient un bon verre de vin, sinon la bouteille, pour le commun des non intoxiqués.
Parce qu’une fois le morceau lâché, en l’occurrence : ‘’Je suis alcoolique et j’ai besoin d’aide’’ (l’accent mis sur la deuxième proposition puisque plusieurs se vantent d’être alcooliques comme ils se vantent d’avoir un char de l’année), il faut faire face aux réactions, recevoir les nouveaux comportements, et s’en remettre. Il faut guérir à la fois de ne plus être la fille de party ET de voir les autres s’en ennuyer. Il faut se remettre des courriels maladroits des amis inquiets, réapprivoiser les réunions familiales, supporter l’incohérence du système de santé, qui te demande d'évaluer ton besoin d'aide sur une échelle de 1 à 5. Si je réponds 3, on m'assigne un intervenant qui m'offrira de l'aide à 60% de sa capacité. Le reste du temps, il fredonnera des chansons dans sa tête ou il se pliera un coin-coin.
Il faut accepter les encouragements et les témoignages d’amour des proches, ceux qui étaient là la veille et l’avant-veille et qui trinquaient aussi, à peine moins fort. Et résister à l’envie de ne plus jamais les voir pour leur épargner les embarras que tous les alcooliques, guéris ou pas, trainent avec eux.

Quoi qu’il en soit, malgré la crainte de n’avoir bientôt plus rien d’intéressant à proposer à ceux qui m’ont connue avant, malgré la honte – parce que oui, il est honteux d’avoir un problème de dépendance, honteux de faire partie des gens qui ne peuvent accepter un verre sans en vouloir un deuxième, honteux d’être sobre par obligation et de sourire forcer au milieu d’un 5 à 7 - je vais bien. On dira qu’il est triste, à mon âge, de mettre une croix sur un des grands plaisirs de la vie. Je dirais qu’il y a quelque chose de triste, également, dans le fait de se réveiller aux côtés d'un inconnu, dans les sous-vêtements d'une autre fille, avec du vomi dans ses bas et une nouvelle coupe de cheveux.

De la même façon qu’après avoir perdu l’usage de ses poumons ma grand-mère ait dû apprivoiser la bombonne en inox et son carrosse, j’apprivoise la baise à jeun et le statut de béquille de fin de soirée. Mais heureusement, nulle part dans le grand livre de la convalescence il n’est mentionné que la sobriété entraîne la sagesse et la monotonie. On devient, c'est vrai, un peu plus sensible lorsque Dan Bigras se livre en entrevue, ce qui est gênant mais si peu cher payé pour autant de liberté.
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