23 janvier 2009

Job de rêve

Pour beaucoup de gens, la vie se résume à ce qu'on en dit. En d'autres termes, dans un bagarre entre l'ouïe et la vue, la plupart des gens se sentent souvent forcés de croire ce qu'ils entendent. Par exemple, si tu t'apprêtes à faire un discours en public et que tes mains tremblent, tu peux dire : ''Non, je ne suis pas stressé du tout! Mais à cette heure de la journée, je commence vraiment à avoir besoin d'alcool.'' La majorité des gens te croiront et ta réputation ne sera pas entachée.

C'est en prenant conscience de cette domination générale des mots sur les actes que j'ai décidé d'écrire. J'aurais pu choisir un mode oral d'expression - j'ai une très grande gueule aussi - mais je ne vous dis pas le nombre d'avantages qu'il y a à travailler de la maison. Qui ne rêve pas de faire une rotation annuelle de 3 ou 4 kits de vêtements et de n'acheter que des pyjamas? C'est vrai qu'ils peuvent être dispendieux mais jamais autant que du vrai linge. Bon. Je dîne seule, mes billets de métro datent de 2001, je n'ai pas de fastasmes impliquant des collègues de travail mais je peux porter de la lingerie et du maquillage en même temps, comme dans les catalogues (j'ai une photo à l'appui mais je n'arrive pas à l'uploader... Misère.) Ça, c'est la belle vie.

Personne n'a besoin de savoir que pendant que d'autres confient leurs préoccupations, échangent sur l'actualité ou confrontent leurs opinions à l'heure du lunch, je préfère prononcer un plaidoyer fictif sur un sujet sélectionné au hasard en empruntant l'accent britannique.

Un jour, alors que je travaillais dans un bureau (2 ans, tout de même!), j'ai surpris mon patron assis sur le cabinet de toilettes. J'ai raconté plusieurs fois cette anecdote en riant mais je vous jure qu'une partie de moi n'a jamais accepté cette vision. Si une intervention sur la mémoire comme celle dans le film Eternal Sunshine of the Spotless Mind était possible, je raconterais ce souvenir au médecin en le suppliant de me le supprimer. Enfant, j'étais troublée juste à voir mes cousines et leurs parents occuper la salle de bain en même temps. Mes prédispositions déjà flasques pour l'intimité ne me permettent assurément pas de supporter autant de familiarité sans en garder un souvenir cauchemardesque et obscène. Selon mes règles, il est interdit de continuer sa journée de travail après avoir vu les cuisses de son patron. Il faut faire une réunion d'urgence et se dire quelque chose comme:

Patron - ''Tu m'as vu en train de faire caca. Prends le reste de la semaine pour oublier cet incident. Loue des films, fais des expériences et tente de remplacer cette information par de nouvelles. Essaie de développer une nouvelle amitié, par exemple, ou commence à apprendre une nouvelle langue. Si tu n'y arrives pas, avise-moi lundi et ce sera la fin de notre collaboration.''

Moi: '' Entendu. Je vous remercie d'autant de compréhension et je salue votre amour-propre. Si jamais l'expérience est concluante, je vous demanderais à l'avenir d'agir comme si vous étiez dépourvu de système digestif. En échange, je prétendrai être ménoposée.''

Les deux - ''Deal.''

Mais non. Dans la réalité de tous sauf, semble-t-il, la mienne, on retourne s'asseoir face à face et on se remet au travail. Personne ne semble lutter contre les larmes de honte ou contre l'envie de se jeter par terre et de se tortiller en geignant.

Je préfère travailler de la maison.

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