Je me revois près de sa table de cuisine, le visage pas encore lavé au-dessus du cendrier rempli la veille, à essayer de trouver quelque chose d’intelligent à écrire à celui que je n’ose pas réveiller, de peur que cette foutue magie ne disparaisse d’un trait et qu’on me catapulte deux jours en arrière.
(Saviez-vous qu'il existe une fonction, sur votre ordinateur, qui vous permet de revenir quelques jours en arrière? À la journée et à l'heure, par exemple, qui précède exactement le moment où vous avez téléchargé un virus ou installé une mise à jour indésirable? Et oui! Depuis que je sais que ça fonctionne, je me sens coupable. Je comprends viscéralement l'insjustice que vivent les ignorants. Certains d'entre eux ont sûrement racheté un ordinateur. Cette manoeuvre informatique me trouble.)
Je cherche quoi écrire, donc. Pas tant quelque chose d’intelligent que de parfait, en fait. Je cherche la phrase, l’expression, le mot, le dessin, la caricature parfaite pour que l’instant soit nommé et qu’on ne puisse désormais poursuivre l’histoire qu’à partir de là. Double mandat, si l’on considère que je doive par la même occasion, à un degré plus primaire, inclure dans mon sous-texte que je ne m’éclipse pas par angoisse mais par obligation, ce qui est tout à fait faux. Je m'en vais parce qu'une fille comme moi, ça s'en va dans ces circonstances-là. Elle est occupée, elle a un orgueil de béton. Elle ramasse ses sous-vêtements et elle fait une blague de one night stand.
Oui, mais j'aime me forcer pour écrire et normalement, je sais le faire vite. Ce matin-là, je pouvais faire une bonne blague mais j'aurais aimé être romantique ET intelligente ET drôle sur une feuille de papier, pour être certaine que mon lecteur soit attendri, d'une façon ou d'une autre. Je me trouvais, donc, à essayer de rationaliser alors que tout se prêtait à la spontanéité et à l’endossement, à réfléchir à une stratégie gagnante alors que dans ma tête se présentait plutôt un essai sur l'art du défilement.
Plus exactement encore, je me trouvais à essayer de ne pas perdre la face alors que les excès de la veille, le manque considérable de sommeil et probablement le choc émotif réduisaient mes facultés jusqu’à me restreindre à fixer le coin de la feuille à tenter, en vain parce qu’à moitié endormie, de le mettre au foyer. Je voulais simplement rester dans le ton de la nuit dernière, qui s’était achevée parce qu’il le fallait bien mais qui selon moi aurait dû ou ne jamais finir ou ne jamais commencer. Cela dit, je me trouvais déjà stupide avant même d’avoir échappé un seul mot sur la feuille. Je me sentais stupide comme il est normal de se sentir stupide dans ma condition, c’est-à-dire les yeux collés, quelques bleus ici et là, qui témoignent mieux que mes souvenirs flous des événements de la nuit passée, une nouvelle odeur sur la peau, plusieurs en fait, un malaise physique qui oscille entre l’envie de faire pipi et celle, insoutenable, d’avaler d’un trait l’eau de la toilette. L’impression brève – elle est venue et je l’ai chassée aussitôt – d’avoir été un brin indécente dans les dernières heures, et surtout, le sentiment d'avoir été sérieusement ébranlée par lui. Ce qui explique la position dans laquelle je suis, debout près de la table, manteau sur le dos, prête à déguerpir comme si je venais de tuer quelqu’un – quoiqu’un peu moins alerte étant donné le mal de tête – essayant de trouver rapidement, mais pas trop, pour ne pas me contenter d'une niaiserie qui pourrait me faire perdre tout espoir de récidive, la phrase qui deviendra la dernière image qu’il aura de moi. Et comme je ne me souviens pas trop de l’état dans lequel il m’a vue avant de s’endormir, mieux vaut ne pas prendre de chance et la restaurer avant son réveil.
C'est mon dernier souvenir de St-Valentin, pour répondre à un lecteur qui me posait la question plus tôt ce matin. Je ne me souviens pas de la fin, de la phrase en question. J'ai vraiment cherché toute la journée. Mémoire sélective. Je me souviens seulement que j'aurais aimé être un ordinateur, qu'on me ramène la veille, avant d'écrire ce qui s'est avéré être une niaiserie.
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(Saviez-vous qu'il existe une fonction, sur votre ordinateur, qui vous permet de revenir quelques jours en arrière? À la journée et à l'heure, par exemple, qui précède exactement le moment où vous avez téléchargé un virus ou installé une mise à jour indésirable? Et oui! Depuis que je sais que ça fonctionne, je me sens coupable. Je comprends viscéralement l'insjustice que vivent les ignorants. Certains d'entre eux ont sûrement racheté un ordinateur. Cette manoeuvre informatique me trouble.)
Je cherche quoi écrire, donc. Pas tant quelque chose d’intelligent que de parfait, en fait. Je cherche la phrase, l’expression, le mot, le dessin, la caricature parfaite pour que l’instant soit nommé et qu’on ne puisse désormais poursuivre l’histoire qu’à partir de là. Double mandat, si l’on considère que je doive par la même occasion, à un degré plus primaire, inclure dans mon sous-texte que je ne m’éclipse pas par angoisse mais par obligation, ce qui est tout à fait faux. Je m'en vais parce qu'une fille comme moi, ça s'en va dans ces circonstances-là. Elle est occupée, elle a un orgueil de béton. Elle ramasse ses sous-vêtements et elle fait une blague de one night stand.
Oui, mais j'aime me forcer pour écrire et normalement, je sais le faire vite. Ce matin-là, je pouvais faire une bonne blague mais j'aurais aimé être romantique ET intelligente ET drôle sur une feuille de papier, pour être certaine que mon lecteur soit attendri, d'une façon ou d'une autre. Je me trouvais, donc, à essayer de rationaliser alors que tout se prêtait à la spontanéité et à l’endossement, à réfléchir à une stratégie gagnante alors que dans ma tête se présentait plutôt un essai sur l'art du défilement.
Plus exactement encore, je me trouvais à essayer de ne pas perdre la face alors que les excès de la veille, le manque considérable de sommeil et probablement le choc émotif réduisaient mes facultés jusqu’à me restreindre à fixer le coin de la feuille à tenter, en vain parce qu’à moitié endormie, de le mettre au foyer. Je voulais simplement rester dans le ton de la nuit dernière, qui s’était achevée parce qu’il le fallait bien mais qui selon moi aurait dû ou ne jamais finir ou ne jamais commencer. Cela dit, je me trouvais déjà stupide avant même d’avoir échappé un seul mot sur la feuille. Je me sentais stupide comme il est normal de se sentir stupide dans ma condition, c’est-à-dire les yeux collés, quelques bleus ici et là, qui témoignent mieux que mes souvenirs flous des événements de la nuit passée, une nouvelle odeur sur la peau, plusieurs en fait, un malaise physique qui oscille entre l’envie de faire pipi et celle, insoutenable, d’avaler d’un trait l’eau de la toilette. L’impression brève – elle est venue et je l’ai chassée aussitôt – d’avoir été un brin indécente dans les dernières heures, et surtout, le sentiment d'avoir été sérieusement ébranlée par lui. Ce qui explique la position dans laquelle je suis, debout près de la table, manteau sur le dos, prête à déguerpir comme si je venais de tuer quelqu’un – quoiqu’un peu moins alerte étant donné le mal de tête – essayant de trouver rapidement, mais pas trop, pour ne pas me contenter d'une niaiserie qui pourrait me faire perdre tout espoir de récidive, la phrase qui deviendra la dernière image qu’il aura de moi. Et comme je ne me souviens pas trop de l’état dans lequel il m’a vue avant de s’endormir, mieux vaut ne pas prendre de chance et la restaurer avant son réveil.
C'est mon dernier souvenir de St-Valentin, pour répondre à un lecteur qui me posait la question plus tôt ce matin. Je ne me souviens pas de la fin, de la phrase en question. J'ai vraiment cherché toute la journée. Mémoire sélective. Je me souviens seulement que j'aurais aimé être un ordinateur, qu'on me ramène la veille, avant d'écrire ce qui s'est avéré être une niaiserie.
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