27 février 2009

Négligence collective

Les Québécois manquent de rigueur. C'est dit. Oui! Nous manquons de rigueur. Et sommes menteurs. Arrêtons de dire que nous n'avons pas émis de bulletins de vote incomplets pour la sélection des Prix Jutra, nous l'avons tellement fait. C'est écrit dans le ciel, entre la phrase ''Nous rééditons sans retenue des vieux vinyles.'' et ''Si nous pouvions, nous engagerions Félix Gray à toute occasion, peu importe la nature du projet.''. Les Québécois, nous imprimons trop vite ce genre de bulletins, énervés que nous sommes de participer à cette grande fête du cinéma. Parce que, par exemple, en tant qu'assistante trop contente de travailler dans le monde du show-business et préoccupée par notre récente invitation sur la terrasse chauffée de Karine Vanasse, nous avons omis de faire notre travail comme du monde et avons passé trop de temps à nous rouler dans les post-it laissés en salle de production par Guillaume Vigneault.

À plusieurs reprises récemment, la une des journaux affichait le gros plan d'une face troublée, dévastée parfois, impuissante devant son propre manque de rigueur. Je pense, en particulier, à Fernand Perreault, en plan plus gros et plus déconfit, jour après jour. Il n'est pas le seul; le monde du hockey nous en propose régulièrement de savoureux exemples.

Rassurons-nous, le manque de rigueur peut être un signe d'intelligence. J'aime à penser qu'un homme préoccupé par autre chose que par l'exercice de ses fonctions à la Caisse de Dépôt, se questionne justement sur la légitimité de sa place sur cette chaise, sur la cohérence du système auquel il consacre sa vie et, si on pousse un peu, sur les dispositions à prendre pour devenir un meilleur père.

J'aime à penser que ceux qui nous livrent un mauvais service à la clientèle ont simplement la tête ailleurs, dans la chambre d'hôpital où récupère leur amoureux, à la garderie où leurs enfants évoluent et grandissent en compagnie d'étrangers, à la salle de yoga potentielle où risquerait de se dissiper cette foutue raideur au cou. Dans ces circonstances, le manque de rigueur de la caissière au dépanneur est une preuve d'implication sélective, de classification des intérêts par niveau d'importance, d'intelligence.

Je me demande à quoi pensait Eric Rémy pendant qu'il récitait la liste des gagnants des Grammys de l'année passée.

S'investir dans son travail est aussi, malgré tout, une façon de se changer les idées. Offrir un service à la clientèle impeccable n'est pas un signe d'imbécilité pour autant. Imprimer et distribuer les bulletins de vote après avoir pris soin de contre-vérifier n'est pas considéré comme du zèle non plus. Mais il restera un manque de rigueur général populaire chez nous. Comme si, inconsciemment, nous étions sans cesse préoccupés par autre chose... Pas encore la Bataille des Plaines?

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