3 novembre 2009

De l'enfance, le meilleur

Il n'y a pas de plus faux adage que celui qui dit que la vérité sorte de la bouche des enfants. Au contraire, les enfants, parce que frêles et peureux, sont forcés de se mentir constamment à propos du monde réel afin de s'assurer que leur petit corps sans défense arrivera à survivre ou, du moins, à trouver le sommeil au bout de la journée, malgré cette mare d'informations terrifiantes qui les assaille sans relâche depuis qu'ils ont mis le nez dans ce monde-ci. Les enfants sont ignorants, donc spontanés, oui. Mais la vérité ne sort certainement pas de leur bouche.

Si la vérité sortait de ma bouche à 6 ans, sachez que l'élément le plus grandiose et le plus fascinant de la terre, ce n'était ni le feu, ni l'eau, ni le ciel, ni même l'amour. C'était l'autobus scolaire. Et que mon idée du rêve ultime vers lequel diriger toutes mes pensées afin de trouver le bonheur absolu, c'était de vivre à l'intérieur d'un écureuil géant qui me ferait des lifts un peu partout et dans lequel je pourrais regarder la télé.

Ce que le vieux sage voulait probablement dire en accordant maladroitement tout le crédit de la vérité à la catégorie de gens de moins de 12 ans, c'est que nous, adultes, devrions prendre exemple sur les enfants pour aimer notre prochain sans retenue et sans censure. L'adage aurait donc dû se lire comme suit: ''Prenons exemple sur les enfants pour aimer notre prochain sans retenue et sans censure.''

Pour le reste, agissons en adultes et essayons d'élever nos enfants comme du monde, dans la vérité.

Cela dit, si chacun de nous se souvenait à chaque jour de lui-même à l'époque où il était enfant, les adages auraient moins besoin d'exister pour nous rappeler qu'à l'intérieur de nous, il existe tout le matériel nécessaire - le coeur en tête de liste, avec ses envies les plus singulières - pour nous indiquer la voie à suivre pour nous rapprocher de la seule vérité qui nous conviendra, à nous seuls.

S'il est une chose que les enfants n'ont pas et à laquelle nous sommes soumis (et qui, apparemment, en submerge plus d'un), ce sont les responsabilités. Des obligations concrètes qui nous aveuglent et nous obligent à voir le monde autrement qu'avec le coeur, en calculant et en faisant des compromis majeurs vis-à-vis notre être. Jusqu'à ce qu'un jour, on croise au détour un enfant tout frais et bien mal élevé qui nous lance au visage qu'on est devenu vieux et laid. Ce qui n'est pas nécessairement la vérité, je vous le rappelle, mais le processus est sûrement enclenché il est souvent trop tard pour revenir en arrière. Les gens vieux ne sont pas nécessairement les plus âgés.

Je n'ai jamais eu d'écureuil géant dans lequel me terrer pour me protéger des attaques extérieures. Je n'ai même jamais connu quelqu'un qui en possédait un. Avec les années qui passent, je commence à penser, non sans désolation, que peut-être ça n'existe pas.

25 octobre 2009

Dis-moi où tu habites

J'essaie d'habiter Montréal. J'ai toujours habité ma tête, ça c'est réglé. J'habite de plus en plus mon corps, après des années de travail et d'observation. Je commence à peine à habiter mon appartement... après 5 ans. Cette ville dont on inscrit le nom en-dessous du mien sur le courrier que l'on m'adresse ne me dit pourtant pas grand-chose. Je me souviens de l'avoir choisie pour sa distance et son extravagance - j'ai déjà choisi des amants pour des raisons identiques - sans vraiment savoir de quoi elle était faite. Contrairement aux amants, toutefois, je suis restée avec elle dix ans.

Depuis tout récemment, je tente de l'habiter. Elle me nargue. Le changement de saison n'aide sûrement pas; jamais je ne reconnais la même ambiance, le même air, les mêmes odeurs. Mon quartier est mutilé par des rénovations bizarres qui coupent la rue Mont-Royal en deux et qui me laissent perplexe. De grands panneaux en bois, sur lesquels on a placardé des affiches qui font état de l'activité culturelle de la métropole, s'élèvent maintenant au milieu de la rue, contraignant le trafic à se déplacer exclusivement vers l'est... Il semble vouloir s'ériger un mur à nos dépends, séparant à tout jamais le nord du sud et forçant la population à se déverser dans le Jardin Botanique.

Encore une fois, je me trouve exactement sur la frontière et, libre de voiture, je navigue à contre-sens à travers les véhicules en pensant être la seule à n'y rien comprendre, moi qui vient tout juste de commencer à vouloir l'habiter, ma ville. Peut-être est-ce comme ça depuis dix ans ?

Le comble. À peine ai-je choisi de réfléchir sur ma position face à ce lieu distinct, me voici confrontée à l'arrivée de nouveaux amis. (Je ne parle pas ici des nouveaux amis Facebook, bien sûr... À moins que les vôtres vous posent des questions bien bien intenses. Je parle d'amis soudains qui vous font sursauter par leur pertinence dans votre vie à un certain moment et qui vous poussent à vouloir être pertinents dans la leur, immédiatement.)

Qui dit nouveaux amis dit discussions nouvelles, thèmes nouveaux et l'occasion, surtout, de répondre à de vieilles questions auxquelles on n'a pas eu la chance de répondre depuis l'université. Constater l'évolution, la régression ou la stagnation.

Quelle est ta relation avec ta famille? À quoi ressemble ta vie amoureuse? Pourquoi es-tu végétarienne? Pourquoi Montréal? Il devrait nous en arriver une par année, de ces personnes à qui l'on donne rapidement assez de crédit pour avoir envie de répondre honnêtement. Question de rester à jour avec soi-même.

Au détour, on se rend compte que nos réponses habituelles, notre discours intrinsèque, ne conviennent plus.

Voici, par exemple, des questions dont mes réponses ont changé depuis le dernier nouvel ami:

1. Quel âge as-tu?
Ancienne réponse: 20 ans. Euh, 22.
Nouvelle réponse: 30 ans. Euh, 27.

Conclusion: À 22 ans, je me pensais plus jeune que je ne l'étais. À 27, je me sens plus vieille que je ne le suis. Et ma relation avec les chiffres ne s'améliore pas.

2. Quel est ton but dans la vie?

Ancienne réponse: Être célèbre.
Nouvelle réponse: Être heureuse et sereine aujourd'hui et, si possible, demain.
Je ne vous dis pas toutes les réponses qu'il y a eu entre les deux...

Comment t'imagines-tu à 50 ans?

Ancienne réponse: Heureuse et sereine
Nouvelle réponse: Célèbre

Conclusion: J'ai de la suite dans les idées (ou peu d'imagination), mais mes idées viennent en alternance. Jadis, être heureuse et sereine était pour moi un idéal plate que j'atteindrais à 50 ans et, de grâce, pas avant. Maintenant, je crois que 50 ans est le seul âge auquel je pourrai bien gérer la célébrité et ce, à condition d'avoir été heureuse et sereine depuis bien longtemps. Veuillez noter qu'après avoir donné ma réponse, l'ancienne comme la nouvelle, je prie pour que mon nouvel interlocuteur ne me demande pas: ''Pourquoi?''

Mais il le fait, alors...

Pourquoi?

Ancienne réponse: Parce qu'à cet âge-là, je mériterai bien cela.
Nouvelle réponse: Parce qu'à cet âge-là, je mériterai bien cela.

Là-dessus, infaillible. Le mérite.

Et entre temps, bien de l'espace pour les nouvelles rencontres qui, disons-le, sont souvent responsables de l'éclosion des nouvelles réponses, plus vraies et plus éclairées que les anciennes. Si c'est à Montréal que je les trouve, ces gens épatants qui me rappellent que je ne suis pas ni le début ni la fin du monde, mais bien au milieu d'un tout qui finalement se débrouille plutôt bien, alors c'est assez pour me donner raison d'y vivre, à Montréal.

14 octobre 2009

La rançon bien avant la gloire

On pourra dire que j'en aurai faits des détours pour arriver à ce constat: c'est pour moi-même que je rêve et c'est pour les autres que je réalise mes rêves. Dans ma plénitude quotidienne où je n'ai de responsabilités qu'envers ma propre vie, le rêve est un élément essentiel, le principal. Le rêve, c'est l'émotion pure sans la terreur, sans la frousse de ne pas réussir et sans les détails techniques et rationnels qui lui feront éventuellement obstacle. Au stade du rêve, l'idée est intacte, parfaite, entièrement satisfaisante. Au stade du rêve, mes idées tiennent mon bonheur à bout de bras.

C'est après que ça se gâte. Quand les choses se passent, quand elles déboulent et qu'on est forcé de les relater aux autres, curieux et inlassables autres, impatients de voir si tu vas devenir ou pas. Si tu deviens, alors là, ils voudront des noms et des chiffres, que tu donneras volontiers mais qui sonneront faux dans ta bouche, qui te donneront l'impression de n'être rien devenu du tout, sinon une machine à calculer et à ''name dropper''. En revanche, si après t'être énervé pour rien, tu ne deviens finalement pas, les autres recommencent à t'encourager en recroisant leurs doigts derrière leur dos, priant pour que ton charisme et ta détermination ne prennent pas trop d'expansion pendant qu'ils regardent ailleurs, occupés qu'ils sont à parler très fort et sans arrêt, de manière à ne jamais entendre les pas du doute qui se rapprochent d'eux pour leur parler de leur propre condition.

Oh! Mais que se passe-t-il avec moi? Aurais-je une crotte sur le coeur? Mes chers amis, bien sûr. Une amie à moi me parlait justement hier d'un écrivain qui croit que c'est lorsqu'on ne ressent plus le désir de vengeance qu'on cesse d'écrire. À voir le nombre de pages que je noircis chaque jour, je respire la vengeance à plein nez et ma libération sera longue, longue, longue.

Pour ça, je rêve d'un monde où l'on naisse tous avec un excès de confiance assumé, qui nous assurerait de toute part que les compliments reçus soient sentis, que les couteaux dans le dos soient dorénavant plantés en pleine face, signés par le responsable, et que tout le soutien moral supposément gratuit devienne une deuxième nature pour tous, sachant que tout ce que l'on donne nous sera rendu à la cenne.

En attendant, il y a une règle à suivre pour éviter les complications. Rêver pour soi et agir pour les autres. De cette manière, on ressemble à ce qu'on dit et les gens arrivent à suivre. Tu les regardes sauter de joie pour toi au fil d'arrivée, tu les embrasses et tu retournes à tes rêves, où le fil d'arrivée est dix fois plus loin, la pente dix fois plus abrupte, les humains dix fois plus beaux et quinze fois plus sensibles, grandioses.

Beaux rêves à tous.

9 octobre 2009

Mon cher réseau social

Il faut s'occuper de son cyber réseau social si l'on décide d'en avoir un. C'est comme s'occuper d'un ami, mais au lieu de l'appeler pour prendre de ses nouvelles avec civisme, c'est l'inverse. On rentre chez lui sans frapper et on lui lance nos états d'âme par la tête sans lui demander s'il est disponible. Pas besoin, sa disponibilité à me recevoir est pour moi implicite depuis qu'il a un jour choisi de cliquer sur ''Follow'' à côté de mon nom. Puisque tout le monde le fait.

J'ai un petit réseau social et je l'aime parce qu'il me laisse croire que je ne me déverse pas dans l'abîme. Mais je suis mal faite. J'ai bien tenté de le gérer froidement, comme de la simple ferraille (je parle à un laptop et à un téléphone, après tout) servant uniquement à me renvoyer une image de moi plus objective que celle que je me crée moi-même, dans le but de comprendre ce qui plaît au public, de m'y conformer et d'un jour faire fortune. Mais malchance, mon coeur s'est enflammé. Oui, j'ai lâchement laissé mes valeurs intrinsèques s'immiscer entre mon portable et moi, si bien qu'à l'heure où je vous parle, j'ai à la fois envie de vous demander de m'aimer et de vous dire que avez sûrement mieux à faire que de perdre votre temps à me lire.

Attention, je n'ai pas le syndrome de l'imposteur. Je ne suis pas Mahée Paiement face au monde de la musique. Je suis plutôt comme Marc Hervieux face la chanson Le blues du businessman ou comme Grégory Charles devant la demande spéciale Tipatshimun de Kashtin. Je sais que je peux le faire.
Si Marc Boilard a une carrière, je peux en avoir une.

Mais malheureusement pour moi, nous nous rendrons compte dans un avenir proche qu'il n'est pas payant d'être courtois dans son réseau social. Que je ne suis peut-être pas ferrée pour ce monde, avec mes envies de bienséance cybernétique. Parce que là davantage que sur la rue, il est facile de jouer du coude puisque sur l'Internet, tout le monde se promène d'un satellite à l'autre sans complexe, sans tache de vin dans le visage, sans surplus de poids, sans air de famille avec quiconque, sans trouble de diction. Sur Twitter, un individu peut même se forger une identité et se récolter tout un public par son aisance à ''ReTweetter'' les trouvailles et les réflexions des autres.

Je ne suis pas pour la vérité à tout prix, au contraire. Je suis même souvent contre la réalité. Je suis pour le mensonge et l'imaginaire, je l'ai déjà dit. Mais le fait de ressasser en public différentes aberrations choisies selon le goût du jour n'est pas un acte créatif, c'est un acte publicitaire dont le but est de se vendre soi-même, via des vidéos funny qu'on a trouvé sur youtube.

Aujourd'hui, mon réseau social m'a montré une fille dont l'implant mammaire explose en plein tournage télé. Je n'ai pas pu regarder jusqu'à la fin mais juste assez pour savoir que je n'ai pas envie à ce point d'avoir des amis sociaux. En revanche, un membre de ce même réseau m'a envoyé un courriel me disant que ma vision du monde le faisait sentir moins seul.

Hum.

1 octobre 2009

Et se rappeler

Il est impossible de savoir ce dont on se souviendra dans dix ans. Dans vingt ans. Je ne me souviendrai pas d'avoir regardé l'entrevue de Martin Picard du Pied de Cochon à Cabine C mais je me souviendrai qu'il mange des animaux sauvages dans leur entièreté et que ça m'écœure. Je me souviendrai d'avoir baisé une fois sur la rue St-André mais je ne me souviendrai pas avec qui. Hier, j'ai prêté la presque totalité de mes avoirs à un ami et le moment où il me remboursera déterminera si je m'en souviendrai ou non.

Semble-t-il que nous nous souvenons davantage des voyages et des événements spéciaux puisque nous avons dû modifier notre routine pour les accueillir dans notre vie. Le traumatisme ainsi créé forgerait une entaille dans notre ligne du temps et marquerait notre mémoire à long terme. Pourtant, nombre d'entre eux - sorties, anniversaires, visites de parenté, collation des grades, épluchettes - n'en valaient pas du tout la chandelle, nous ont carrément fait chier (en déréglant, entre autres, notre transit) ou ont été férocement imposés par une tradition qui appartenait à plus puissants que nous, des parents ou des amis plus capricieux. Rien à voir avec le bonheur matinal routinier qui repose sur une tasse de liquide chaud, une discussion amicale, un journal qui annonce trois acteurs que l'on aime à l'affiche dans un même film. De ça, il ne reste aucune trace sur la ligne du temps; à la place, on y trouve une sortie familiale à La Ronde en 1990 lors de laquelle j'ai conclu que toute cette mascarade n'était pas du tout faite pour moi. À la place se trouve un X sur la date où j'ai cessé de fumer, moment pénible où toutes les veines du corps voulaient m'exploser, où j'ai passé mon temps à vouloir revenir sur ma décision, à douter de mon courage à chaque rush et à m'auto-insulter d'être tombée dans un piège aussi stupide. C'est super de se rappeler d'un moment si glorieux.

J'aimerais plutôt me souvenir de ce matin, par exemple. De la matinée du 1er octobre 2009 où je me suis réveillée contente, avec une boule de santé dans l'abdomen et des vibrations positives dans tout le corps, des souvenirs affectueux de mes discussions de la veille, une vision assez charmante de la journée à venir et du futur en général. Avec du Nutella et du pain sur la planche.

Impossible. Puisqu'il y a absence de soubresaut, il y aura absence de souvenir. Tant pis. Je n'aurai qu'à me relire.

28 septembre 2009

Tranquillement, revenir

Voir une dame âgée manger un cornet de crème glacée m'émeut à tout coup. Mon corps s'engourdit. Moi qui ne suis pas folle de ce genre de friandise, je comprends toutefois pourquoi les dames âgées les aiment. Ça doit agir comme un sac magique sur l'arthrite, mais pour le coeur.

J'ignore pourquoi, mais j'ai le don d'identifier à l'avance les gens dont le manteau sent l'humidité.

Je pense que, bizarrement, les gens qui dirigent le monde ne sont pas les plus intelligents. Comme à la petite école, les leaders étaient souvent les plus caves qui, aveuglés par leur désir d'être à l'avant-plan, oubliaient qu'ils auraient par le fait même beaucoup plus de travail à faire, en plus de porter tout le blâme en cas d'échec. Ça prend juste un cave pour se proposer d'être responsable d'un déficit ou d'un réseau routier.

(À ce sujet, après avoir été choisie pour représenter le groupe devant ''les gars de la montagne'', une candidate d'Occupation Double a répondu: ''Non, j'aime mieux me reposer.'' Quelle sagesse.)

C'est difficile de passer à autre chose face au suicide. Juste le concept, indépendamment des gens qui posent le geste, reste en tête pendant des jours.

Alors, on passe d'un sujet insignifiant à un autre, on parle de cornets de crème glacée et d'Occupation Double, de choses tellement froides et concrètes qu'il est impossible de douter de leur pertinence.

Je vais plutôt aller courir, célébrer un peu.

27 septembre 2009

À Nelly, pour moi

Chère Nelly,

Si le vide est présent en moi, c’est que ton départ a une résonnance. Que ta disparition n’est pas vaine. Mais bon, le fait de rester n'est jamais vain non plus. C'est autre chose.

Hier après-midi, vendredi donc, on annonçait ton décès en boucle dans l’écran de la septième télé à partir de la fenêtre, devant les elliptiques au gym. Aux nouvelles, en alternance avec les six chefs d’accusation contre Lise Thibault et la stratégie de vaccination pour la foutue pandémie. Dans cet endroit infect mais si rassurant qu’est le gym sur Mont-Royal, où je te croisais presque sans faute à chaque visite, quatre fois par semaine, j’ai vu ton visage non pas en sueur devant, mais dans l'écran. J’aurais aimé que tu assistes à la scène, à côté de moi sur l’elliptique. En moins de 48 heures, il doit être étonnant de se voir passer de l’autre côté de l’écran du gym, dans ce lieu aberrant où tous les gens ne sont que des corps. C’aurait été fascinant.

Je me suis bien demandée ce que je faisais là à m’activer encore, à suer ma vie pour essayer de la sentir mieux, comme si la sentir mieux m’assurerait de la garder près de moi. Tu as pourtant soufflé plus fort que moi, sué davantage (presque dix ans plus longtemps) et soulevé des poids beaucoup plus lourds que les miens. Tu te souviens ? Mes pectoraux sont si faibles que je ne soulève encore que la machine, sans aucun poids dessus. Tu as ri de moi une fois. Maintenant, je vais devoir m’améliorer sans spectatrice aux cheveux platine et aux commentaires narcissiques. Et je ne te verrai plus soulever plus lourd que moi sans jamais vraiment trembler.

J’aimerais croire que tu n’as pas forcé pour rien. C’est mon éducation catholique qui me fait parler : la souffrance paie à un moment ou à un autre. Pour moi, pour me consoler et pour me rassurer sur ma propre discipline, j’aimerais me complaire en disant que cet entraînement était sensé. En réalité - et tu l'as voulu ainsi - tu as bel et bien forcé pour rien. Nous ne serons pas des athlètes olympiques, nous ne serons pas haltérophiles, nous ne gagnerons pas de concours de bras de fer et notre bon cardio ne nous mènera pas si loin, finalement. Mais toi, tu ne retourneras même pas au gym sur Mont-Royal pour y constater tes progrès et je devrai l’admettre à chaque fois que j’irai moi-même. Tu n’agiteras même plus tes doigts pour écrire des livres qui feront comprendre aux autres à quel point ils sont égarés dans une réalité qui est pourtant forgée sur mesure pour eux. Au final, je ne ferai sûrement pas mieux que toi. Mon amie dit qu'avec les distinctions infinies qui existent entre un individu et un autre, il est presque impossible que cet espace-ci convienne à tout le monde. Comme elle a raison.

Tu aimerais sûrement apprendre que suite à ton décès, Nelly, des gens insignifiants sont venus témoigner à l’émission de Denis Lévesque et aux nouvelles de 18h. On t’a comparée à Gaétan Girouard. Oui, oui. J’aurais aussi aimé que tu assistes à la scène. À cause de toi, on a doublé les effectifs au Centre de prévention contre le suicide et le gars pogné et maladroit qui s’en occupe est sur toutes les tribunes, avec ta photo en background. (Visiblement, sa dernière sortie publique date du décès de Girouard et, à compter les fois où il le nomme, il s’en souvient.) Il répète à tout vent que le suicide romantique n’existe pas, que chaque personne qui met fin à ses jours le fait assurément pour arrêter de souffrir, dans l’élan de désespoir le plus profond. Décidément, il essaie lui-même de se convaincre. C’est sûrement la phrase clé des téléphonistes au bout de la ligne : ‘’Ma chère dame, si vous pensez qu’il existe des suicides romantiques, vous vous trompez.’’ Ah oui? Qu’en penses-tu ? Y avait-t-il un peu de romantisme dans ton geste ? Dans les minutes avant ? Dans la journée ? Y avait-il au moins un peu de foi ? Es-tu morte en écrivain ou en femme exaspérée et démunie qui ne mesure pas bien les conséquences de ses actes? Permets-moi de croire à la première option. En fait, je ne doute pas vraiment.

Tout à l’heure, chez Renaud-Bray, des clients feuilletaient tes livres comme ils feuillettent l’Écho-Vedettes. Ça m’a fait mal au cœur. Mais ça ne me regarde pas. C’est ton départ et il t’appartient (d'ailleurs, tu n'avais sûrement pas prévu que tu partagerais la vedette avec Pierre Falardeau, n’est-ce pas ? Quel duo...) Ton œil aguerri s’est sûrement fait à l’avance un diaporama assez représentatif de la réalité après ta mort. Tu as peut-être vu ton beau visage aux nouvelles dans la télé du gym et tes romans dans les vitrines. Et les clients se les arracher pour voir s'ils n'y trouveraient pas, au lieu d'un sens à leur vie, un sens à la tienne et une bonne raison de te considérer comme une lâche. Ou une héroïne. Tu as peut-être souri.

J’espère que tu as gagné, Nelly. Si tu veux bien, je vais faire mon chemin en croyant que tu n’es pas une perdante. Je vais faire mon chemin en me disant que tu avais réellement fait le tour, que tu en avais assez vu pour tirer des conclusions éclairées et inébranlables. Surtout, je vais continuer en me disant que toi et moi n’avions rien en commun sinon la rigueur et la discipline. Qu’en fait, fondamentalement, nous sommes aux antipodes. Que je suis la perdante et que je vivrai heureuse jusqu’à 102 ans sans jamais rien comprendre. Ce sera plus simple pour moi.

Adieu Nelly Arcan.

7 septembre 2009

Prologue

De l'autre côté de la rue, deux amoureux marchent sur le trottoir en se bourrant la face de frites entassées dans des sacs de papier brun. Ils s'extasient au passage d'un chien saucisse et passent un lundi férié comme ils les aiment. L'un d'eux a peut-être eu une fringale et a acheté deux sacs de frites, puisqu'ils fonctionnent en couple. Ils ont, me dis-je, l'avantage de savoir dans quelle sorte de graisse ils baisent. C'est comme les poulets de grains. On sait ce qu'on mange quand on sait ce que celui qu'on mange a mangé.

C'est ma petite crisette méchante de célibataire qui se permet un Coke Zéro par mois et qui n'a toujours pas trouvé son style vestimentaire, encore moins sa douce moitié.

Tout ça pour ploguer ''poulets de grains'', pour être franche.

Aujourd'hui, j'ai écrit ce qui servira de prologue à mon premier roman. Je le partage avec vous puisqu'il y a peu de chance que je ne change pas d'idée d'ici à ce qu'il soit publié.

''Ceci est de la littérature. Ce n’est pas une promesse de dépaysement ni une fenêtre sur l’extraordinaire. Vous ne serez pas téléportés dans un lieu fantastique, vous ne sentirez pas la brise dans votre cou, à moins d’être réellement sur la plage ou sur un banc de parc. Les personnages, qui d'ailleurs n'existent pas, verront peut-être leur existence se fracasser ou se révéler ; pas vous, qui existez pourtant. Vous serez chez vous, ou dans un lieu que vous aimez, dans la vie que vous avez choisie, et vous lirez. Si vous aimez votre vie, il y a de bonnes chances que vous aimiez mon livre; vous serez tranquilles. Si vous aimez votre vie et que vous n’aimez pas mon livre, tant pis. Vous passerez vite à autre chose. Tout se peut. Si vous n’aimez pas votre vie – et croyez-moi, je sais de quoi je parle – ne me lisez pas. Occupez-vous d'abord de vous.''

J'en écrirai sûrement plusieurs versions. Je couperai au final puisque j'aurai l'impression de m'excuser. Finalement, je me contenterai de ne rien écrire en prologue, pour laisser parler le roman et essayer d'avoir l'air humble. Air que, pour l'instant, je ne me soucie pas du tout d'avoir.

J'ai aussi préparé plusieurs discours de remerciements qui serviront lorsque je gagnerai des prix. Ceux-là sont beaucoup plus comiques, je vous assure. Mais je dois sérieusement travailler mon air spontané.

Répondez à emmahblogue@live.ca

30 août 2009

Être là où est la question

Ça prend de l'humilité pour l'admettre; je suis une pseudo-philosophe à cinq cennes. Je mène une vie à quatre ou cinq dimensions, je fais des analogies aux deux minutes, je compare sans cesse ce qui ne se compare pas et si je me laisse aller, j'ose essayer d'inventer de nouveaux adages profonds en rêvant secrètement que quelqu'un les répète. Si c'était de mon époque (et si je n'étais pas si radicalement influençable et attirée par le vice), je passerais mes journées dans des cafés enfumés à défendre des points de vue qui ne me font ni chaud ni froid.

Cette tendance que j'ai me fait beaucoup réfléchir sur les qualifications requises pour exercer le métier de philosophe, métier pour le moins intrigant, le numéro un des métiers qui ne s'apprennent pas (ex aequo avec celui d'aidant naturel, basé sur la technique d'apprentissage du nourrisson qu'on jette dans la piscine, la piscine étant ici une couche pleine et une salle de séjour convertie en chambre d'hôpital) mais qui s'imposent et un métier dont la source de rémunération est vague (pas autant, tout de même, que celle d'un maître Reiki, qui raconte vraiment n'importe quoi en échange d'une fortune).

Un métier dont le titre est attribué soit quelques temps après la mort de l'individu - ce qui expliquerait pourquoi nous n'en côtoyons aucun (non, Francis Reddy n'est pas un philosophe, Jacques Languirand non plus, La Bombardier surtout pas) pour pouvoir dire quelque chose de positif à ses funérailles comme: ''Quel grand philosophe il faisait!'' au lieu de dire ce que chacun pense: ''Il disait vraiment n'importe quoi et nous importunait toujours en fin de soirée avec ses théories obscures...'', ''Nous avons toujours su qu'il était schizophrène...'', ou encore ''S'il avait agit au lieu de radoter des âneries, nous n'en serions pas là à lui inventer un métier pour qu'il ait l'air moins perdant à son enterrement'' - soit en accompagnement d'un autre titre plus prestigieux: psychiatre et philosophe, écrivain et philosophe, théologien et philosophe, physicien et philosophe, peintre et philosophe, tous des exemples dans lesquels on peut remplacer le mot ''philosophe'' par ''weirdo'' pour faire comprendre sans le nommer que nous parlons d'individus compétents mais qui peuvent disjoncter à tout moment.

Je ne suis pas une vraie philosophe, donc. Du moins, pas tant que je serai vivante. Après, ce sera à ma famille de décider. Mais ma consécration est plus ou moins possible. J'ai trop de suite dans les idées et j'ai trop peur de la polémique, ce qui m'empêche, je pense, de dépasser les limites du vrai pathétisme. Aussi, j'ai une soeur assez terre-à-terre qui se chargera de me ramener sur le plancher des vaches si jamais je m'égare. À chacun ses garde-fous. Le mien est mon aînée - par définition, incarne la raison - et elle fait de la boxe, alors je me tiens tranquille.
Répondez à emmahblogue@live.ca

15 août 2009

Les retombées de la Dernière Cène?

Si ma mémoire est bonne, je n'ai jamais été friande des repas partagés avec d'autres. Enfant, c'était pour moi une perte de temps. Ensuite, ce fut le mal nécessaire avant de pouvoir ingérer une grande quantité d'alcool tout en restant sur mes deux pieds. Maintenant, simple question d'intimité. Je n'aime avoir de la compagnie lorsque je m'introduis quelque chose dans l'organisme. Assister aux ingestions d'autrui ne m'intéresse plus non plus. Pour moi, les aliments ont une fonction réparatrice avant tout, ce qui implique que dans mon livre à moi, les gens se réunissent pour manger dans le but de réparer à mesure les blessures sournoises qu'ils se causent entre eux en se prêtant au jeu dangereux des relations interpersonnelles. Ce n'est pas pour rien que les gens se gavent davantage en groupe - et se permettent plus aisément de ''tricher'' - qu'en solitaire. Depuis la nuit des temps.

N'importe quoi, dites-vous peut-être. Tout à fait. Il reste que si la bouffe est un élément rassembleur, c'est d'abord et avant tout parce qu'il est malaisant de n'installer ni prétexte ni attraction au milieu d'un groupe et que la seule présence de compagnons de qualité, depuis la même nuit des temps, ne semble pas suffire à répondre aux critères qui assurent un moment parfaitement satisfaisant. Il faut la combiner à une raclette ou à un méchoui, certains préfèrent les vins et fromages ou les épluchettes de blé d'inde (une occasion pour plusieurs, disons-le, d'avaler treize hot-dogs et un seul épi, en élaborant beaucoup trop sur la couleur des grains et le goût particulièrement sucré du dit légume cette année-là). Que voulez-vous? Peut-être faut-il absolument occuper nos sens ailleurs pour éviter de considérer la gravité de ce genre de réunions? Si une pomme par jour éloigne le médecin pour toujours, l'entreprise de digestion de treize hot-dogs éloigne pour au moins deux bonnes heures toute réflexion déprimante sur l'éphémérité de la vie et sur l'importance de profiter des gens qu'on aime (profiter dans le sens de savourer leur présence, pas dans le sens d'utiliser leur piscine ou de voler leur argent).

Que la nourriture, pour moi, soit reliée à l'intimité n'est pas étonnant. J'ai très peu de prédispositions à l'intimité en général. Mais je crois fermement qu'il y ait quelque chose de particulièrement gênant dans le fait d'exposer à tout vent ce que l'on consomme pour vivre. Par comparaison, manger est aussi naturel et vital que son contraire - qui s'exécute la plupart du temps aux toilettes derrière une porte barrée - ou que se reproduire - qui s'exécute la plupart du temps au sein d'un groupe de deux dans des conditions d'extrême familiarité. Bizarre que le fait de se nourrir ne mérite pas le même traitement. Pourtant, constater qu'une vague collègue de bureau apporte dans son lunch une espèce de ''stew'' rosâtre qui sent l'écurie donne à mon avis autant d'informations accessoires et perturbantes que si elle tentait de se reproduire sur son lieu de travail.

J'ai déjà donné mon avis sur les diners d'affaires et mon opinion n'a pas changé. Partager un repas avec un client, c'est en quelque sorte être en contact avec un élément qui visitera bientôt les intestins d'un inconnu. C'est définitivement une sorte de curiosité que je n'ai pas.

Finalement, comme activité rassembleuse, je préfère les jeux de sociétés. Je ne les aime tout de même pas, à cause de leur propriété à faire éclater au grand jour le pire de chacun - les défaillances de l'estime de soi, les troubles de concentration, la propension à la tricherie - sous des dehors anodins qui laissent croire à tort que les participants s'amuseront autant que ceux qui apparaissent sur la boîte et que le ressentiment qui plane après la partie ne laissera pas de cicatrices...

Bref, je rêve d'un groupe dans lequel les gens n'ont pas de prétexte pour se voir et où tout le monde arrive disponible, le ventre plein, déjà satisfait, et dans lequel chacun n'est pas assigné à une tâche précise qui les isolera forcément et qui fera dévier leur attention sur un menu et sur la grosseur des légumes à couper. Si j'avais été une apôtre, j'aurais sûrement accepté l'invitation pour la Dernière Cène mais je serais arrivée après le dessert.

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24 juillet 2009

Ébauche de réflexion sur le sens de la vie, ébauche étant le terme à retenir

Nous vivons dans un monde où les ministres de la Culture ne connaissent pas la culture et où La Poule aux oeufs d'or détient les records de cotes d'écoute semaine après semaine depuis un quart de siècle. Nous vivons dans un corps, aussi. Un corps qui, exceptions faites, est instinctivement charmé par ce qui peut le tuer, comme le sucre ou la friture, forçant ainsi l'être humain à mesurer sa qualité à la capacité qu'il a de se priver, se retenir, se raisonner, se discipliner. C'est le portrait que je dresse en ce vendredi soir, alors qu'affamée (de gourmandise), je m'en vais au lit fière de ne pas m'être vautrée dans une demi-tasse de céréales sèches ou une douzaine de mini-carottes.

Mon ton plaignard est là pour le spectacle seulement, cela dit. Mon alimentation, avec le sport et l'écriture, fait partie des rares éléments qui aident à mon bonheur, justement par la souffrance qu'elle procure. Je ne vous expliquerai pas ici les principes de base du sadomasochisme puisque je ne les maîtrise pas bien, mais je peux élaborer sur certains principes semblables, judéo-chrétiens ceux-là, qu'en revanche j'ai pratiqués avec assiduité. Les sadomasochistes parleraient sûrement d'auto flagellation mais j'emploierai plutôt l'expression ''gagner son ciel''.


Les deux millions de cote d'écoute de La Poule et le virage pop de Marc Hervieux - regardez-le bien vendre 50 000 albums dans le temps de le dire et se retrouver en nomination à L'Adisq l'an prochain, et gagner - sont de tristes constats dont les répercussions sont difficiles à mesurer et qu'il n'est pas de mon ressort de freiner. C'est peut-être juste ça, ''gagner son ciel''. Tomber par hasard sur un cas d'obésité morbide en zappant à TLC, apprendre qu'un des wagons, si ce n'est le train au complet, est monopolisé par Josélito, occupé à tirer le jus d'un invité endeuillé quelque part entre Sherbrooke et Magog (avec la grève de Via Rail, peut-être le croiserez-vous à bord d'une calèche dans le Vieux-Montréal...) ou pire, croiser Johanne Despins sans maquillage à l'épicerie. Des épreuves à première vue anodines mais qui finissent par miner un moral.

Pourtant, ces attaques sournoises ne pèsent pas dans la balance lorsqu'on est à l'heure des bilans. On les oublie, toutes ces écorchures invisibles - hier, j'ai vu un monsieur tout à fait normal se vider la vessie devant chez moi - qui s'accumulent jour après jour, que l'on traîne avec soi et qui sont responsables, peut-être, de la deuxième portion de dessert que l'on ne peut s'empêcher d'engloutir ou du matin où l'on préfère dormir plutôt que de se rendre au gym.

On se sent coupable de ne pas se fouetter davantage et on se cogne la tête en se disant qu'on n'aura peut-être pas, en bout de ligne, gagné son ciel (ou sa crème glacée, c'est selon). Faux. Le tirage a été fait il y a des lunes et tout le monde a gagné. Maintenant, changeons d'excuse.
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15 juillet 2009

Le pouvoir du titre

Aujourd'hui, je peux dire que je vis de mon art. Et je le dis, croyez-moi. Ce matin, j'aurais apostrophé un inconnu sur la rue pour lui en parler et hier, j'ai discuté écriture, autonomie et choix de vie avec mon entraîneur au gym, que je rencontrais pour la première fois. Il semblait abonder et penser que j'avais trouvé ma voie. D'ailleurs, je me demande en ce moment si j'irai davantage au gym pour pavaner mon nouveau statut d'auteur en sueur et en leggings que pour améliorer mon RPM. On se souvient toujours de l'endroit où l'on fait son coming out et l'on y retourne avec enthousiasme puisqu'on s'y sent un peut plus léger qu'ailleurs. (Cette dernière analogie sonne bien mais la deuxième partie est à vérifier, je crois.)

L'histoire ne dit pas ce que j'écris, ni pour qui. Peu importe. Lorsqu'on apprend qu'un cousin est devenu avocat, on ne lui demande pas sur quelle cause insipide, humiliante et dont l'issue ne pénalise ni Jean ni Jacques, il s'est fait la main. On veut juste voir sa carte et ploguer notre lien de parenté avec lui, dans une discussion qui à priori nous désavantage.

Une bonne amie à moi journaliste me dirait que dans le jargon du métier, on appelle ça de l'enflure verbale. Elle a aussi, d'ailleurs, une carte.

À ce sujet, je constate avec effroi que plus les années avancent, plus les personnes rencontrées dans ma vie se retrouvent avec des métiers, métiers souvent pigés au hasard de leur besoin de sécurité criant et de la pression parentale (je ne parle pas ici de mon amie journaliste, qui elle a un tout autre parcours), et formeront bientôt les professionnels à qui l'on se fie pour maintenir le bon ordre. J'aimerais que vous fassiez l'exercice d'écrire sur une feuille le nom de tous vos collègues de classe depuis la petite école avec qui vous ne vouliez pas être en équipe, de vous dire que chacun d'entre nous possède une liste d'une longueur semblable, et de vous promener en société en toute tranquillité d'esprit. Impossible.

Mon entraîneur est peut-être sur votre liste, qui sait?

Avec la scolarité, on apprend à cacher son insécurité derrière des termes et des diplômes et avec l'âge, on apprend à feindre la passion, ce qui donne les ingrédients nécessaires pour former le parfait travailleur. Parfois, c'est seulement l'instinct de survie qui s'active pour nous donner l'impression d'être dans la bonne vie. Ce qui est peut-être vrai. Mais l'élève de la petite école n'est jamais loin. Lui nous le dira; suffit de poser les bonnes questions.

En entrevue, la question :''En éducation physique, étiez-vous choisi en premier ou en dernier?'' serait à mon avis la question No. 1 à poser, et j'ajouterais : ''Selon vous, pourquoi?'' (tout le monde sait que les aptitudes sportives ne sont pas le seul critère de sélection), question beaucoup plus pertinente que la question: ''Pourquoi devriez-vous obtenir le poste plutôt que quelqu'un d'autre?'' dont le sous-texte est ''Quelle est votre capacité à être hypocrite en entrevue, hypocrisie que vous traînerez ensuite allègrement dans votre milieu de travail?''.

Mais je rêve en couleurs, je crois. Je sais, je l'ai dit à mon entraîneur quand il m'a donné sa carte: ''Moi, je suis une artiste. Je n'ai pas de carte. D'ailleurs, je perdrai sûrement la vôtre.''
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28 juin 2009

Ma contribution avant 2012

J'écris mon premier roman. Je n'aime pas me justifier mais c'est sûrement la principale raison pour laquelle je délaisse et délaisserai cet espace encore. Il y a des limites à manger de l'écriture à tous les repas.

Je n'ai jamais fait ça, écrire un roman. Je n'ai pas la prétention de pouvoir bien le faire. Je me demande un jour sur deux si le monde a besoin d'une nouvelle histoire, aussi bonne soit-elle, de la même façon que je doute que le monde ait besoin de nouvelles maisons (surtout que c'est laid, une maison neuve). L'autre jour sur deux, je me demande si toutes les histoires poches qui existent déjà ne doivent pas, justement, être remplacées par d'autres.

À la télévision, il existe une émission qui s'appelle C't'une joke, qui met en scène des blagues insipides dans un décor de carton, et des individus sont payés pour la créer. S'il y a de la place pour C't'une joke, où Joe Bocan incarne le même personnage de blonde dans tous les sketchs, il y a de la place pour mon roman.

C'est tout ce que j'avais à dire aujourd'hui. Ça, et:

- Les Internationaux de Tennis à la télé agissent sur moi comme le lithium. Merci Hélène Pelletier.

- La fin du monde est en 2012. Ça ne laisse pas beaucoup de temps à Joe Bocan pour se refaire.

D'ailleurs, parlant de fin du monde, je lance un appel à tous les chansonniers engagés: il est temps de composer l'hymne de la fermeture du monde. Si nous ne sommes pas vigilants, nous pourrions exploser sur un cover d'Ima en espagnol.

La suite dans le roman.
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17 juin 2009

Courte décharge émotive

Tant qu'il y aura des publicités comme celle de PFK où l'on promeut la nouvelle ''boîte-repas Poids Lourd'' dans laquelle se trouve une ''charge excessive'' de nos mets préférés, il y aura sur cette terre quelque chose qui m'échappera. Et une tranche de public cible fascinante qui évolue je ne sais trop où - probablement là où est considéré comme des nôtres celui qui traîne son dîner dans un chariot et qui laisse derrière lui des coulisses de gras - et qui donne lieu à bien des questionnements de ma part. J'ai déjà coupé les capsules d'huile de poisson. Ça vous donne une idée à quel point je penche plutôt du côté de la ''décharge excessive''.
Qu'à cela ne tienne, je m'interroge (oui, à savoir où Guy Laliberté a bien pu trouver ses 800 échassiers... certains n'avaient pas le physique de l'emploi - suis-je la seule à avoir remarqué? - et donnaient à la parade familiale des allures de freak show. Oui, à savoir si on va une fois pour toutes cesser de vouloir donner une tribune à Jean-Claude Gélinas mais surtout) à savoir s'il ne devrait pas être illégal de vendre une charge excessive de cancer en boîte-repas pour un.

Non, je ne prends pas position contre la malbouffe; ça ne m'intéresse pas. Je pose la question aux ''malbouffeurs'' qui, tôt ou tard, haletant et geignant, courront après des isotopes (ou autre terme médical en vogue) en cherchant les caméras de LCN pour se plaindre.

Bonne nuit.

11 juin 2009

Les maringouins sont sortis

Une des premières journées chaudes et humides de l'été. Une fille entre dans la librairie en trombe, se suspendant à la porte coulissante comme un clochard, accompagnée de trois amis, normaux amis. On ne voit qu'elle, pour s'être pris un majestueux coup de soleil en plein visage et surtout, pour crier à tue-tête des paroles sans intérêt destinées à ses compagnons masculins, qui, si j'ai bien saisi les rouages de leur relation, ne l'écoutent pas une seconde. À mon avis - moi, bien sûr, témoin de la scène, en bouquinant tranquillement - elle est la soeur de l'un, le lift de l'autre ou, si je pousse un peu, la fuck friend du troisième. Considérant le troisième bien dépourvu d'options.

Elle n'est pas déficiente, pas trisomique, pas droguée. Juste too much, comme des milliers d'autres filles, la race de filles pour qui la vie se déroule uniquement à l'extérieur d'elles, qui n'ont pas conscience de leur présence corporelle en un lieu, et qui se prennent un solide coup de soleil au premier rayon, parce qu'elles ne retiennent des leçons de rien, trop occupées à aimer le soleil davantage que la normale, une valeur sure, faute d'avoir quelque chose à aimer pour elles-mêmes, en se la fermant et en donnant une pause à leur entourage.

C'est vers moi qu'elle se dirige, postée devant le présentoir des meilleurs vendeurs. (Pour la centième fois, je tourne autour du livre de Denise Bombardier sur Céline Dion et je renonce. Non. Je ne flancherai pas. Je ne financerai pas, par l'achat de ce recueil d'anecdotes qui me font pourtant saliver, les prochaines activités exubérantes de la Bombardier, qui court après mes idoles sans secondaire 5 en brandissant, en guise d'appâts, ses diplômes et sa superbe de carton. Oui, j'aurais voulu être dans ce jet à sa place. Oui. Mais non, je ne saurai pas quelles faveurs la Denise y a obtenues. J'attendrai de le lire en cachette chez ma mère.)

La too much se poste à côté de moi, pour ne pas dire ''sur moi'', et attrape le même livre que moi (je louche vers Bombardier, mais je feuillette autre chose, Toni Morrison, pour brouiller à moi-même mes propres pistes). Dans un endroit comme une librairie, elle ne sait pas à quel saint se vouer, c'est évident. Moi non plus, mais j'ai l'avantage de faire ça discrètement. Elle crie dans mon oreille, s'adressant à ses supposés amis, qui se foutent éperdument d'elle. Ça me rend triste mais elle me crache au visage en parlant, alors ma tristesse s'éclipse.

Je voulais lui dire: ''Ma pauvre, rentre chez toi. Vas respirer et trouver qui tu es, parce que tu cries dans une librairie et que tes amis profitent de toi en ce moment.''

Je lui dis plutôt : ''Tu devrais mettre de la crème solaire.''

Elle me répondit: ‘'Scuse, je ne t'avais pas vue.''

Je sais. Je sais. À mon avis, son manque de confiance lui cache souvent la vue. Mais je n'ai pas de leçon à donner à personne, j'imagine. Pas tant que je ne sortirai pas fièrement d'ici avec le livre qui me tente sous le bras.

5 juin 2009

Nouvelles de reprises

À la télé cet été, on nous repassera effrontément des reprises de Fort Boyard. Ah bon? Je me demande bien qui, à TVA, a eu la tâche de virer la salle des archives à l'envers à la recherche de vieilles émissions pour remplir la grille d'été. Selon moi, il a perdu patience à la lettre F, ce qui veut dire qu'il a d'abord levé le nez sur Chop Suey et Ent'Cadieux (c'est plate, à O, il aurait pu dépoussiérer Les Olden). Vous me direz, le pauvre devait avoir comme mandat de placer un jeu dans la grille d'été, ce qui n'est pas évident. Fort Boyard est un jeu, oui, mais c'est aussi pour moi une télésérie lourde avec des personnages de nains et un homme déguisé en vieillard énigmatique à la voix rauque, dont le costume décolle parfois.

J'adorais Fort Boyard et je l'écouterai sans faute cet été, mais je peux d'ores et déjà vous voler le punch d'un malaise à la vigie avec Abeille Gélinas.

Autrement, vous serez ravis d'assister aux aventures rocambolesques de vos vedettes préférées: Francis DePassillé, Dylane Hétu, Gilbert Lachance, Sylvie Catherine Beaudoin, Claude Chagnon, etc. Des stars qui, le moins qu'on puisse dire, perdurent et savent encore nous faire vibrer.

N'oublions pas que Marie-Soleil Tougas n'est pas revenue sauve de la fosse aux tigres, où elle a tenté d'écrire seule le mot ''PASSOIRE'' sur le gros damier surveillé par la nonchalante Célindra. A-t-on vraiment envie de revoir la scène de son décès? (Je me mélange peut-être dans les détails de cette dernière affirmation... c'était peut-être ''Mélindra''?).

Quoi qu'il en soit, j'espère que tous les artistes qui se ridiculiseront (certains par leur maladresse, d'autres par leur look, d'autres parce qu'ils ne savent pas nager et qu'ils doivent être repêchés par hélicoptère pour s'être lancés sans flotteurs dans l'océan, retardant ainsi toute la production et faisant sacrer l'animatrice Sylvie Bernier, ancienne plongeuse intransigeante) en reprise tout l'été s'assureront de toucher leurs droits de suite, même si ceux-ci leur seront remis en boyards, monnaie qui, aux dernières nouvelles, brisait les guichets automatiques et ne valait pas une cenne.

Bon été.

31 mai 2009

Les petits moments, les meilleurs

Je reviens du paradis. De ma course sur le Mont-Royal, comme à tous les jours. Mais aujourd'hui, il y avait une charge spéciale dans l'air. Je l'ai déjà dit, je ne suis pas romantique - enfin, pas souvent - ni croyante et je peux certifier que ce moment aurait pu faire flancher n'importe quel scientifique au coeur de pierre.

Une séquence toute simple. Une pluie légère qui rafraîchit le corps à mesure, corps particulièrement au sommet de sa forme, pas une âme sur la montagne (à part une touriste perdue qui m'a interceptée pour me demander son chemin, n'a pas écouté ma réponse, a presque gâché mon fun, mais bon, je l'ai ''flushée'' de ma mémoire en une seconde. Dans un conte de fées, elle incarnerait la méchante.).

Soudainement, le soleil (oui, le soleil m'émeut parfois) s'est taillé un tout petit chemin, juste le temps de dire qu'il est bien là, derrière, et qu'il m'accompagne. Après une heure de course, on veut bien savoir que le soleil est là, mais on ne veut pas le sentir. Simultanément, un air d'harmonica se glissa dans mon oreille par mon lecteur Mp3 (beau de même, c'est un cas de passé simple), en plus des harmonies vocales de la chanson My Dove, My Lamb de Phosphorescent (c'aurait pu être n'importe quelle chanson de Phosphorescent; l'homme en soi ne génère que de la beauté). Ce qui me fait penser qu'au paradis, il doit y avoir de la musique folk.

Droguée aux endorphines, ne touchant plus au sol, je me suis dit: ''Voilà la perfection. Point final. Je n'en reviendrai pas. Je ne serais pas étonnée qu'à ce moment précis, mes membres commencent à s'engourdir et que le cerveau m'explose dans la tête, pour de bon. Aussi parfait, ça ne peut être que mon entrée au paradis.''

J'ai voulu m'arrêter pour examiner le moment - j'écris, alors je dois regarder les choses et non les vivre si je veux les raconter - impossible. Au contraire, j'ai poussé davantage sur mes jambes (la comparaison qui me vient en tête est le coït, et les explications seraient embarrassantes), pour m'assurer d'y goûter pleinement. Bizarrement, j'ai douté qu'un pareil moment de bonheur puisse être ressenti en compagnie de quelqu'un d'autre. Je ne crois pas. Parfait de A à Z, sur mesure pour soi-même, orchestré par soi-même et rendu possible par soi-même - désolée, personne d'autre que moi n'en est responsable -, il est dangereux de se retrouver devant autant d'autonomie; ça donne le vertige.

Parce que je ne suis pas fleur bleue, je sais que ma sortie de ce monde n'aura rien à voir avec la seconde extatique de cet après-midi. Par contre, l'avantage est d'avoir un peu moins peur de tout, maintenant, sachant que je possède cette carte cachée, ce pouvoir ultime sur moi-même. Je me fous presque de savoir, à l'avenir, si je plairai ou non; à l'avenir, je n'aurai qu'à courir.

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27 mai 2009

Hasta la Vista

Monsieur Chaput, c'est assez. Votre histoire est d'une tristesse... Elle contamine par sa petitesse toutes les bonnes nouvelles susceptibles d'élever un peu les êtres, de les réconforter. Vous êtes à l'opposé du réconfort, n'en êtes vous pas humilié? Pour vous contrer, je n'ai d'autre choix que de vous ignorer. Ou bien, je vous regarde comme un personnage de feuilleton bas de gamme, terriblement mal ‘’casté’’, et je vous préfère Sébastien de Loft Story.

Sans blague, je me demande combien d'entre vous, messieurs gris de cette génération, à la tête de sociétés à première vue influentes (à première vue, j'entends dans un party de Noël où vous vous pétez les bretelles avec vos supposés responsabilités et mandats cruciaux alors qu'à l'échelle mondiale, vous êtes une brindille que l’on fait rouler distraitement entre deux doigts), combien d'entre vous avez commis de pareilles fautes et faites la file à l'abattoir en attendant qu'on prouve votre culpabilité ? Combien d'entre vous avez chaud en ce moment en pensant qu'on puisse soudainement vous confisquer votre yacht, sur le dos duquel vous avez assis toute votre raison d'être, en servant apéros et bouchées à des convives aussi peu désirables que triées sur le volet pour des raisons politiques ?

Que se passe-t-il avec vous? C'est la peur de crever qui vous fait agir ainsi? Vous blottir dans l'abondance, dans le luxe - symbole de la réussite de votre génération, n'est-ce pas? , ne vous inquiétez-pas, nous avons d'autres vices - quitte à voler autrui, pour s'assurer de flotter au-dessus de la masse (la petite masse immédiate, je veux dire, les voisins et les connaissances de même niveau) et donner l'impression d'accumuler les accomplissements ?

Comprenez-moi bien; je n'ai rien contre le vol, lorsque bien orchestré. Tout individu devrait avoir l'instinct d'améliorer son sort, au détriment, parfois, d'un autre individu. Cependant, dans le palmarès des choses faciles à faire, voler vient à peu près en troisième rang, après aimer et mentir. Rapidement donc, celui qui se fait prendre à voler entre au sommet de mon palmarès des incapables. Que voulez-vous, j'ai du respect pour ceux qui arrivent à se faufiler en flouant tout le monde; j'ai du mépris pour ceux qui se pensent fins, qui se font prendre la main dans le sac comme des débutants et qui se défendent en pleurnichant des phrases comme: ''Ce n'est pas vrai, je n'ai pas des goûts luxueux.'' Honte à vous, monsieur, honte à vous.

Sur une autre scène, un certain gagnant de Star Académie - Maxime Landry - souffre en ce moment de l'emprise douloureuse de Stéphane Laporte à la direction artistique de son album. Le concept implique que le public choisisse, en votant sur un site web, la liste des chansons qui se retrouveront sur le disque de l'artiste. Les idées fusent de mon côté: j'ai envie de faire pression sur mon entourage et lui demander de voter en masse pour Hasta la Vista du groupe Collage.

M. Laporte, peut-on aussi, je vous en prie, avoir la chance de voter pour son style vestimentaire? Si j'en crois votre concept, Maxime nous appartient, nous l'avons créé, il nous doit son succès: j'exige de le voir déguisé en marionnette. C'est mon droit.

25 mai 2009

Party de comiques (ou Non, je ne suis pas dans le public cible du Gala des Olivier)

L'industrie du gag, vue de l'extérieur (lire, de son salon) avec un peu de jugement gratuit et autant de vision hautaine, semble être une industrie triste à mourir. Souvenez-vous de tous les comiques que vous avez croisés dans votre vie, mettez-leur un complet et réunissez-les dans une salle de gala. Vous verrez.

D'abord, ça sentira probablement le swing (par définition, un drôle, c'est quelqu'un d'angoissé qui camoufle son manque de confiance derrière une blague, donc, qui sue beaucoup, et pas de la sueur de vacancier, de la sueur de politicien mal préparé, celle qui vient avec un mal de ventre, donc celle qui sent fort). Faites entrer des caméras - ennemis numéro un de ceux qui sont entraînés à jouer gros, devant de larges publics, et jamais dans la subtilité - et martelez-les de gros plans, pour mon plus grand bonheur, en flagrants délits de commentaires insidieux à l'égard d'un collègue, de regards envieux, d'auto-flagellation, de dangereuse glissade vers la non-victoire dans une bataille où huit concurrents se partagent des dizaines et des dizaines de trophées. Et le comble, surprenez-les en évidente situation de rire forcé.

Souvent, les humoristes sont d'anciens comiques de cour d'école qui, en décidant d'en faire un métier, ont cessé de rire eux-mêmes pour tenter coûte que coûte de faire rire tous les autres, n'importe où, à tout moment. Si bien qu'avec une caméra dans le visage, en plein Gala des Olivier, on remarque assez bien qu'aucun coq n'a envie de rire des blagues des autres coqs, trop occupé qu'il est à faire pression sur sa propre machine à blague, générant ainsi dérapages après obscénités après plaquages d'intégrité, au risque de s'en repentir le lendemain - certains ne se domptent pas - sous prétexte que le succès arrive par le scandale. Le scandale oui, la bêtise, non.

Si le rire incarne la santé, le rire forcé capté en gros plan transpire la dysfonction, l'indisposition, et si précédé d'un rapide coup d'oeil à l'écran géant, un vilain désir de contrôler son image avant qu'elle ne débarque chez le public à la maison, image dont le sous-texte serait: ''Je suis bon joueur, je m'amuse comme un fou, j'aime mes collègues humoristes, je me fous de gagner ou non et surtout, je ne sue pas de la raie en ce moment. Votez pour moi.'' Monsieur Laurent Paquin, j'étais chez moi hier soir et, à la télévision, un rire forcé qui démarre trois secondes en retard, après avoir aperçu sa face dans le retour d'image, ça traduit tout sauf du contrôle d'image. C'est l'inverse. Ou peut-être étiez-vous en train de rire de votre face... mais ça manquait de clarté.

Je suis fâchée, oui. C'est insultant de grossièreté, davantage même que la blague de vagin de l'inconnu qui fait de la webtélé.

Si c'était en riant à pleine bouche en direct qu'on s'attirait les votes du public, l'Olivier de l'année aurait dû être remis hier à Michèle Deslauriers. Alors, de grâce, changez de stratégie; ça ne tient pas la route.

18 mai 2009

Une soirée sous terre

Ça fait un bail que je ne me suis pas commise. Où étais-je? Pas très loin. J'étais occupée à configurer ma pensée pour la traduire en 140 caractères sur Twitter. On me dira, ensuite, que je ne m'implique pas dans la société; nul n'aura jamais, aussi ardemment et abusivement que moi, tenté de communiquer avec l'autre. Que l'autre soit mon épicier, ma voisine ou Demi Moore, qu'est-ce que ça change? Je suis déterminée à communiquer, mais choisir ses destinataires est un art.

J'étais occupée, également, non pas à réfléchir à la Reine Victoria ou aux Patriotes - moi qui ''congé-férie'' aussi librement que je néologisme, on aurait pu plaider la fête du Travail pour m'expliquer l'absence de journal au portillon ce matin, je n'aurais pas sourcillé - mais à regarder vers l'avant. L'avant tout proche, d'abord: amenez-nous la température de mai au plus vite avant que mon corps n'enclenche par réflexe les démarches de la pige de Noël. J'ai des envies de soupe Lipton et les Kiwis font de la tire sur neige au marché Jean-Talon. C'est inapproprié.

Qui plus est, je reçois dans quelques jours des amis du Tennessee - j'ai beau essayer de garder ma vie privée en dehors de ce blogue, je ne peux m'empêcher de ploguer ce genre de détail, qui sonne si bien à mon oreille et qui ravive ma confiance - des amis musiciens de Nashville, Tennessee, disais-je donc (qui ne lisent pas le français donc sur le dos de qui je me fais du capital de crédibilité internationale sans hésitation), qui envisagent sûrement, après un voyage de x heures en mini-van, de débarquer à Montréal fin-mai et non quelque part à la Baie-James en février.

J'ai si hâte de leur expliquer qu'ici, on reconnaît un musicien populaire à sa disposition à partir dans le sud avec le public.

Bref, c'est avec cette visite que j'effleurerai pour la première fois le monde de l'underground montréalais - mes amis viennent faire la première partie d'un groupe obscur, c'est pour dire dans quelle obscurité ils se trouvent eux-mêmes - monde pour lequel j'ai un préjugé tellement défavorable qu'il serait plus adéquat de l'appeler un ''postjugé'', pour démontrer la rigidité de mon appréhension et exprimer avec quelle assurance je condamne hâtivement l'expérience.

Il y a quelque chose de louche dans l'entêtement à se produire devant deux personnes saoules et un propriétaire d'établissement qui regarde la porte en suant, de peur de ne pas finir le mois ou d'y voir entrer la police, en laissant planer l'idée que c'est un choix de vie honorable que de préférer s'adresser à un public d'initiés. Je soupçonne ces bands-là de cacher leur médiocrité derrière de mauvaises caisses de son. Pas mes amis, bien sûr; les autres.

Ce n'est pas tous les jours que je reçois cinq hommes dans mon appartement. Je peux bien faire l'effort de descendre sous la terre avec eux l'espace d'une soirée. Ce n'est pas Demi Moore, mais comme je le disais plus tôt, si choisir ses destinataires est un art, celui de choisir ses invités l'est tout autant.
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12 mai 2009

Corvée du dimanche

Avec toute la bonne volonté du monde, c'est-à-dire avec l'idée bien claire d'en parler sur cette tribune pour m'attirer de la sympathie à peu de frais, je suis allée, ce dimanche, faire la récolte des déchets sur le Mont-Royal. J'ai même planté un arbre. J'avais un habit de pluie, des feuilles mortes collées au visage (une, en fait, que je n'ai vue qu'une fois rendue à la maison et qui m'a humiliée) et un sourire aux lèvres; je ''fittais'' dans le décor.

À voir l'enthousiasme avec lequel le commun des mortels s'associe à des causes pour se sentir en symbiose avec la collectivité, j'ai pensé, moi qui aspire à, justement, plus de symbiose pour diluer la charge personnelle, qu'il y avait peut-être là une leçon pour moi. Remarquez, je lutte déjà très fort contre les frisottis - ça, c'est ma cause et Montréal, ville humide, ne me donne pas beaucoup de répit - mais j'ai eu la générosité de faire une place à la montagne, que je foule tout de même à chaque jour, dans mon calendrier des B.A. Ok, me dis-je, j'irai ce matin embrasser des arbres et jouer avec des seringues usées.

Allons-y tôt, cependant, pour ne pas tomber nez-à-nez avec les chevaliers moyenâgeux qui brandissent lances et épées pour des raisons floues, sûrement épiques, à tous les dimanches dès midi. Ceux-là, je ne les trouve pas ridicules, je les trouve hermétiques et terrorisants. Si jamais je croise le vassal, je lui dis que je suis venue ramasser les cochonneries sur son fief à sa place, alors, je l'en supplie, qu'il cesse de tenter d'égorger tout le monde en criant comme un damné. L'amour courtois ce matin, de grâce.

Quelle ne fut pas ma surprise, une fois rendue là-bas, de constater que le spectacle n'en est pas un chevaleresque ou l'on catapulte les plus simples d'esprit dans le lac des Castors, mais bien un spectacle d'oiseaux de proie où l'on fait voler des buses à épaulettes au-dessus des têtes des enfants en pleurs. La ville a décidé, pour remercier et divertir la population, de sortir son attirail exotique. Quelle bonne idée de jouer, pour le plaisir, contre l'équilibre naturel et de demander à un faucon ardoisé, charognard au regard inquisiteur, qui doit penser 100 livres d'instinct de survie et de mauvaise foi, de dessiner avec grâce une demi-lune dans le ciel avant de se poser sur la tête de Pierre-André, volontaire plutôt désigné, mais content de faire vivre ces moments de grande intensité à sa progéniture. C’aurait pu finir à l'urgence, Pierre-André, le proscuitto du pique-nique dans l'abdomen du carnassier.

Je ne saisis pas toujours la démarche que l'humain entreprend pour aboutir au divertissement. Jamais je n'aurais l'idée, par exemple, pour créer l'exaltation d'une foule, de libérer un alligator en public et d'effectuer des prouesses afin que l'animal en oublie ses habitudes et sa nature d'alligator, soit d'engloutir, je ne sais pas, un spectateur.

Je me demande, lorsque la dompteuse d'oiseaux a fini par ranger ses bêtes dimanche dernier, si le public savait que les applaudissements soulignaient le fait qu'on avait tous, ce matin-là sur le Mont-Royal, couru après le trouble et évité la catastrophe.
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9 mai 2009

Évolution tranquille

À brûle-pourpoint, je répondrais oui si l'on me demandait si je suis heureuse en ce moment. Mais à moi, on ne pose pas souvent cette question puisque la réponse ''Je ne sais pas, laisse-moi y penser, je te reviens.'' est inconcevable. Je suis toujours à jour dans mes états d'âme, la réflexion est déjà toute faite et la réponse s'étend sur plusieurs volets, dont certains avec notes en bas de page. Il faut prévoir du temps.

Sans rancune. J'ai plusieurs moyens d'expression pour évacuer à mesure.

Je répondrais oui (en introduction), aujourd'hui. D'abord, Amélie Grenier quitte l'animation de Deux filles le matin, ce qui prouve que le monde se conscientise un peu plus chaque jour (Je me demande toutefois si c'est une décision personnelle ou si sa famille l'a poussée un peu vers la sortie. J'ai l'impression que quelqu'un lui a dit: ''J'pense que c'est assez'' et qu'elle a répondu: ''Ah?'').

C'est vrai qu'en échange, quand on s'y attend le moins, on se cogne le nez à des reprises de La Petite Vie, ce qui indique que tout ne peut pas évoluer dans le même sens, en même temps. Sachez qu'en ce moment, quelque part Avenue du Parc à Montréal, on nous propose cet ornement:

Ça donne envie de pleurer. Pas des larmes de nostalgie du bon vieux temps; des larmes de découragement. Avec l'effigie de Broue comme décoration permanente et la famille Paré aux heures de grande écoute, Montréal est emmitouflée dans une catalogne qui sent un peu le moisi, un peu les pets de soeur, et elle fixe le passé avec admiration et regrets. Pas le bon vieux temps, pas les Années Folles ou la Révolution Tranquille: un passé qui date d'avant-hier, disons-le - ici, on n'intronise pas Samuel de Champlain mais Michel Côté, que l'on peut croiser régulièrement sur la rue - et elle supplie qu'on lui raconte encore et encore la fois où Pogo travaillait comme placier au Forum...

Simultanément, Paul Piché chante Heureux d'un printemps et ''tidlidamme'' en spectacle solo, le plus sérieusement du monde. Si j'étais metteure en scène, je lui mettrais une fausse barbe et une veste à carreaux et je lui dirais: ''Vas imiter Paul Piché, on va rire. Ça va nous rappeler des souvenirs d'époque''. Peut-être se rendrait-on compte du pathétisme de l'événement, si, par exemple, on s'échangeait d’un BlackBerry à l’autre un extrait couleur d'un show de Paul Piché portant la longue barbe et des bottes à cap d'acier. Éduquer à grand coup d'anachronismes. C'est une idée.

N'oublions pas que tout ce beau monde remplit des salles entières, sur plusieurs soirs, ce qui veut dire que le public en redemande. Je ne sais pas si c'est la crise qui pousse les gens à vouloir se faire raconter les histoires du temps où l'argent n'était pas un problème, mais rectifions les faits; c'est à l'époque de Jean Talon où l’on payait sa nourriture avec des cartes à jouer, pas à celle de Jean Lapointe.

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30 avril 2009

Télé tampon

J'adore la télé. Toute la télé, la bonne, la mauvaise et la ''ne sais pas'' télé. Lorsqu'en avril, on entre dans la période tampon entre la saison d'hiver et la saison d'été (qui, dans le jargon des sciences naturelles, s'appelle le printemps), les différents réseaux en profitent pour diffuser leurs restants de programmation, les derniers projets approuvés, pour les tester timidement en s'imaginant que tout le monde est déjà sorti dehors. Moi, je suis toujours là. Et selon moi, en télé, on est aussi novateur et pertinent que notre dernière saison tampon.

C'est alors qu'arrive La Collection à TVA, marrainée par Chantal Lacroix, qu'on diffuse en silence, sans promo, pour ne pas qu'on remarque que le talent ne fuse pas et que Marie St-Pierre en est hebdomadairement découragée. Redonnez à Chantal Lacroix ses aises dans son créneau rempli de femmes ordinaires, voire amochées, qu'elle transforme en princesses au grand coeur, ça presse!

Deux autres émissions de téléréalité attirent mon attention en cette période floue: Destination Nor'Ouest II à TVA et La maison de: Maxim Lapierre, à TQS (dans ce dernier titre, l'utilisation des deux points suggère une suite... Misère.)

Selon moi, un jumelage des deux concepts sauverait définitivement les meubles (!). Imaginez les 10 aventuriers, trippeux de portage, entraînés à manger de la bouette au nom de l'amour du plein air, subir les assauts de Marie-Christine Lavoie, designer d’intérieur (et conjointe de Mathieu Dandenault). Je prédis qu'au premier conseil de déco - du genre: inspirez-vous d'un morceau de vêtement que vous aimez pour agencer la décoration d'une pièce (quoi, une jupe en toile de jute, un poncho?) - la moitié des participants quitteront en pleurant.
Ensuite, la survie des autres dépendra de leur capacité à tolérer la voix aigüe de Marie-Christine et surtout, à supporter ses incitations à la dépense inutile pour un résultat vain et sans éclat. Il faudra aussi se taire lorsqu'un commerçant offrira gracieusement une table de billard au richissime joueur de hockey et que ce dernier feintera une émotion. Une des épreuves les plus difficiles consistera à participer à une séance de magasinage avec Amélie Cadrin (cocue de Steve Bégin) et Maïka Desnoyers (cocue de Guillaume Latendresse) pour choisir des stores pour chacune des mille pièces non utilisées de la maison. Le survivant suppliera la production pour retourner remonter une rivière en canot troué et manger des animaux crus, croyez-moi.

On peut toujours rêver. Heureusement que l'édition de Loft Story All Stars - La Revanche est bonne comme du bon pain. Un bonbon télévisuel qui m'empêche assurément de sortir dehors avant le temps. De toute façon, semble-t-il qu'il faut porter un masque...

28 avril 2009

L'art de recevoir

À l'époque où les soeurs Williams dominaient radicalement le monde du tennis professionnel, on avait développé une légère aversion pour elles, aversion qui s'était tranquillement transformée en frustration, puis on avait fini par crier à l'injustice à chacune de leur victoire. On pleurnichait en assistant à la déconfiture de la frêle Justine Henin-Ardenne, si sympathique et si fraîchement mariée, qui méritait pourtant tellement de gagner. Si on avait pu voter, on l'aurait couronnée sans même jeter un oeil aux statistiques.

Ce n'est pas d'hier que l'on boude les meilleurs, dans le milieu du sport comme dans celui des affaires. Et que dire du milieu artistique.

Pas d'hier, donc, que TVA déclenche les émois.

Les résultats du Gala Artis parlent d'eux-mêmes: TVA rafle 12 trophées sur 15. Et hop, on crie à l'injustice et on remet en doute la procédure de votation. On prétend que le choix de Tim Hortons comme lieu de distribution des bulletins de vote orienterait les résultats en faveur de TVA (on sait tous que c'est lieu où est né le fan club de Gino Chouinard). J'aimerais voir un gala dont les bulletins de vote auraient été distribués au cinéma Excentris, dans tous les cafés snobs et obscurs de la province, dans les clubs de bridge, dans l'entourage privilégié de Stéphan Bureau et dans toutes les librairies indépendantes où l'on sert du thé et on ça sent le papier jauni. Il y a un temps pour s'instruire, un temps pour pousser les réflexions, et il y a, par opposition, les dimanches soirs prime time.

Je souris toujours en constatant la frustration des journalistes devant la domination de TVA lors d'une remise de prix qu'ils s'amusent à dénigrer depuis 25 ans sous prétexte que le processus de sélection ne soit pas assez noble pour qu'on s'attarde à ses lauréats. Il faudrait se brancher. Je sais, ils ont bien des lignes agates à remplir, les pauvres.

Tant qu'à moi, Guylaine Tremblay aurait pu repartir avec les 15 trophées, dont celui de meilleure lectrice de nouvelles, que je n'aurais pas bronché. Que les bulletins de vote aient été remplis en entier par un héritier millionnaire caféïnomane fanatique de Nos étés, et alors? La réalité veut que, contrairement à la Soirée des prix Jutra, pendant laquelle les malaises fusaient et où le maniérisme jurait avec les textes dérisoires, laissant les téléspectateurs plus que perplexes et soulignant à gros trait la présence ridicule de Susan Sarandon parmi les nommés, le Gala Artis de dimanche dernier était d'une qualité et d'un divertissant rarement égalés ces dernières années, un gala imparfait et agréable, au sein duquel l'harmonie régnait et était palpable depuis la maison, quoi qu'on dise au sujet des chicanes familiales dans le milieu artistique. Un gala totalement à sa place, sans erreur de ton, dirigé avec respect et considération vers le public, aussi grand soit-il.

On a beau dire, c'est un art de recevoir. Il faut savoir s'oublier et tenter de faire plaisir au plus grand nombre, ce qui n'est pas un talent donné à tous les réseaux. On peut reprocher à TVA de vouloir faire de l'argent (on a tous un problème avec l'ambition, et on tente de camoufler ça en remettant en question une méthode de votation), mais on ne peut lui reprocher de ne pas savoir recevoir, peu importe qui est assis dans la salle. Une leçon dont je me souvendrai.

23 avril 2009

Décélération estivale

Pendant que Chantal Lacroix prétexte un concours à TVA pour se faire faire une garde-robe gratuite et sur mesure par des apprentis designers avides de succès, je m'éclipse un moment, au sommet de la gloire (vous lisez en moyenne 78 pages par jour, dont une fois 0 et une fois 221!) pour me refaire une beauté - souvenez-vous de Céline avant Unison, ou de Martine St-Clair avant Lavez Lavez - et pour plancher sur un projet qui me demande une plus grande disponibilité mentale (mon bronzage, Des kiwis et des hommes, etc.).

Je diminuerai donc la cadence. J'écrirai sûrement une à deux fois par semaine, au lieu de six ou sept. N'oublions pas que je suis intoxiquée; on n'arrête pas comme on veut!

Profitez-en pour relire vos préférés. J'ajouterai, quand je trouverai comment, une petite case que vous pourrez cocher pour m'indiquer, si ça vous tente, les textes que vous aimez. Comme ça, je pourrai vous connaître un peu plus. N'hésitez pas à les cocher tous. Pour ceux qui y prendraient goût et qui veulent toujours s'exprimer davantage (certains me reprochent de ne pas permettre les commentaires publics), je vous conseille de cliquer ici et de me sacrer patience.

Voilà. Merci pour votre fidélité. Je suis passée par les archives de Radio-Canada juste pour vous. Attention, ça fesse.

Bon été.
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21 avril 2009

Gagnez un peepshow

J'ai compris que je n'aurais guère à me soucier de mes facultés intellectuelles le jour où j'ai découvert que je maîtrisais facilement les figures de style. Une litote bien placée peut donner de la prestance à n'importe qui.

Ma figure préférée est la comparaison. Dans une discussion de haut niveau sur un sujet qui m'échappe, tenter une comparaison, à tout hasard, avec une situation plus près du plancher des vaches, me rend toujours service. Mon interlocuteur est ravi de savoir que je m'intéresse à ce qu'il raconte et que je cherche à participer. Ce qu'il ignore - heureusement, puisque je perdrais tout mon charme - c'est que tant qu'à être là, c'est plus fort que moi, je ne peux pas m'empêcher de participer.

J'ai regardé la version vidéo de Peepshow, la création de la comédienne Marie Brassard, sur les ondes d'ARTV. Devant la profondeur des réflexions abordées dans le texte, agréablement stimulée, je me suis mise malgré moi à tenter quelques comparaisons.

Elle parle, entre autres, de l'incidence des choix que l'on fait à tout instant, qui influencent dramatiquement le cours des choses, et des situations que l'on rate en choisissant une voie plutôt qu'une autre.

Elle a raison, quel pouvoir immense! Et si, me disais-je pour essayer d'appliquer cette réflexion à mon quotidien, je choisissais de participer, par exemple, à la promotion ''Partez dans le sud avec Sylvain Cossette'' de Brault & Martineau? Et si je gagnais? Oh la la, fini les pannes d'inspiration: dix longues années d'anecdotes juteuses. Je n'ai rien contre lui - je connais bizarrement beaucoup trop les paroles de ses chansons - mais je ne pourrais m'empêcher de lui faire regretter ce coup de publicité vraiment désagréable pour le public.

Au souper, à l'hôtel le premier soir, par exemple, je m'entêterais à m'adresser à Andrée Watters en la prénommant Lucie, nom de l'ex-femme de Sylvain, à lui poser des questions sur l'éducation de leurs filles et à souligner leur ressemblance. Aussi, j'imprimerais les paroles de sa chanson Minuit:

Il est minuit et je veille encore
Sans bruit et sans remord
Debout dans mon décor
Moi je vis
Quand le reste du monde s'endort

et je les lui remettrais sous le nez chaque fois qu'elle daignerait manifester le désir de monter à sa chambre pour la nuit, quitte à la garder réveillée tout le long du voyage. Et ensuite, je lui dirais: ''Je ne sais pas comment tu fais pour être un oiseau de nuit. Tu es vraiment une artiste.''

Finalement, Sylvain s'en sortirait plus indemne que sa blonde, à part les fois où je lui demanderais de chanter des bouts de ses chansons pour être certaine que je ne le mélange pas avec Sylvain Lelièvre. Et je dirais, après une semaine sur la plage: ''Ah oui! Là, je vous replace! Vous, vous êtes celui chez qui on peut rentrer comme on veut; l'autre, c'est celui qui chante ''Mettez d'la ouate si ça fait mal''. Je vous mélange toujours.''

Si je choisissais de mettre toutes les chances de mon bord, on ne reverrait peut-être jamais plus un chanteur populaire associé à une pub de meubles.

Merci, Marie Brassard, pour cette savoureuse piste de réflexion.

Recto Verso

Les comportements paradoxaux sont souvent trompeurs parce qu'ils laissent croire que ceux qui les présentent se contredisent, donc sont atteints de trouble de personnalité. En réalité, ou plutôt, selon moi, nous traversons la plupart du temps de simples moments de paresse, durant lesquels nous préférons renier qui nous sommes et agir avec les moyens du bord plutôt que de viser l'intégrité, quitte à sembler hors de nos souliers.

Par exemple, j'écris régulièrement des faussetés sur Wikipédia (rien d'important, juste quelques précisions amusantes aux synopsis de téléromans des années 90, et des ajouts absurdes aux CV de quelques comédiens recyclés...) mais je continue de consulter cet outil sans remettre en doute la véracité de ses informations. Entre vous et moi, il est hors de question que je me rende aux archives de Radio-Canada pour tout et pour rien. Paresse.

Paresse aussi, moi qui ne suis jamais dupe et pour qui être en vie est la seule certitude - autrement, c'est le grand doute pervers - paresse lorsqu'on me dit qu'on m'aime et que je croie les yeux fermés. Paradoxe? Non. Paresse, mes amis.

Même chose à l'inverse. Les détours que le coeur doit prendre, parfois, pour se convaincre qu'il est amoureux, et ainsi solidifier sa certitude d'être vivant - la seule, dois-je le rappeler - sont souvent beaucoup moins lassants que l'attente prolongée, ou la bataille acharnée jusqu'aux abords du vrai sentiment.

On s'étonne moins, considérant cette nuance, des déviations subites de notre entourage. Accepter la paresse d'autrui, c'est ne rien dire quand sa meilleure amie prend un taxi avec son vélo ou qu'elle embrasse son amoureux en public (des comportements, pour la mienne, que seule la paresse pourrait expliquer).

Dans mon cas, guettez-moi si je m'avise à booker un tout inclus.

20 avril 2009

Projection en direct

En tant que fille semi-blasée, il est excitant de savoir que je serai célèbre un jour et d'avoir la liberté de ne pas l'être encore. Ça me permet de divaguer en paix sur l'avenir.

Je dis ''semi'', ce qui veut dire qu'à certains moments, je suis très très blasée, limite découragée, et qu'à d'autres, je suis très très enthousiaste, presque fatigante, énervée comme une enfant. Je suis cyclothymique, un trait de caractère habituellement propre aux actrices (Anne-Marie Cadieux l'est, ça ne doit pas être un si vilain défaut) mais que je m'approprie en salivant, n'ayant malheureusement pas de talent pour le jeu.

En tant que fille semi-blasée, je trouve amusant d'écrire la phrase ci-haut (il est excitant de savoir que je serai célèbre un jour et d'avoir la liberté de ne pas l'être encore), pour qu'une fois célèbre, on me reçoive en entrevue et qu'on me la cite en me demandant d'élaborer. Je pourrai alors répondre que j'avais écrit cette phrase, jadis, sur un blogue obscur (ce médium n'aura peut-être pas survécu, qui sait, alors j'essaierai tant bien que mal d'expliquer ce dont il s'agissait) dans l'espoir qu'un jour on tombe dessus et qu'on m'en parle en entrevue, en direct à la télé.

Je dirai aussi que sur ce blogue, je me suis fait la main en me demandant à chaque jour si les lecteurs me suivraient (non pas que je les sous-estimais, mais je remettais en question ma pertinence et ma clarté, certainement). Et qu'à chaque jour, je m'étonnais de voir qu'ils étaient toujours là, qu'il y en avait même de nouveaux. À ce moment-là, je verserai peut-être une larme. Ça dépend de l'animateur, du décor, des autres invités... si je me sens à l'aise ou pas. Et je ferai une bonne blague. Je dirai ensuite que je suis cyclothymique, que je peux passer des larmes aux rires en deux secondes, comme Anne-Marie.

Et sous un tonnerre d'applaudissement, Anne-Marie Cadieux fera son entrée sur le plateau, pour me surprendre, parce que le dossier de recherche mentionnait que je m'étais, jadis, sur un blogue obscur, comparée à elle. Encore une fois, tout dépendant de l'animateur et du décor, il y aura un malaise plus ou moins prononcé (même après toutes ces années, on s'entête à cacher des personnalités en coulisses et à faire des surprises en studio alors qu'aucune, dans toute l'histoire de la télévision, n'a vraiment été satisfaisante. Rappelez-vous Stars à Domicile.)

Anne-Marie et moi, professionnelles - elle, actrice, moi, menteuse - nous débrouillerons tout de même passablement bien. Je m'efforcerai de ne pas sembler impressionnée ou groupie. Nous terminerons peut-être le tout par un numéro chanté (avec le house band, c'est toujours payant), déployant ainsi notre polyvalence artistique et notre spontanéité, prouvant ainsi au monde qu'il est possible d'être snob ET bon enfant. Les spectateurs seront sous le charme.
D'ici là, si vous me permettez, j'ai du travail.
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19 avril 2009

Sensationnaliste en herbe

On peut dire que j'en aurai laissé, des gouttes de sueur sur le Mont-Royal. Plutôt métaphoriquement, puisqu'en réalité, je ne sue pas vraiment. Même après des heures d'effort. On dit, d'ailleurs, que ça expliquerait la méga-puissance de mes orgasmes; je n'aurais, apparemment, qu'un seul chemin de délivrance, que toutes les tensions accumulées emprunteraient en même temps pour être évacuées. Oui, les suants à pleines gouttes peuvent pâtir en ce moment.

Aujourd'hui, j'avais envie d'élaborer sur l'absence de censure d'une blogueuse qui sait que ses parents la lisent. Je les salue d'ailleurs. J'ignore comment ça se passe dans vos familles, mais dans la mienne, les jokes d'orgasme n'ont pas encore pénétré le périmètre de la désinvolture acceptable en souper de famille. C'est une question de temps, cependant. Nous avons récemment digéré ensemble, un peu croche mais tout de même, une joke de cadavre de pute.

Sans blague, c'est ingrat, être dans la famille d'un blogueur. Il faut l'épauler, donc le lire, et en même temps risquer de tomber sur des informations bien embarrassantes, inutiles à la relation, sans trop pouvoir en déceler le pourcentage de vérités.

À bien y penser, c'est la même ingratitude que de faire partie de la famille d'un boxeur poète (ils le sont presque tous, allez savoir pourquoi). Il faut l'épauler, donc le lire (ou l'écouter) - alors que nous avions convenu, à l'origine, de l'encourager volontiers sur le ring mais pas nécessairement ailleurs - risquer de tomber sur des informations bien embarrassantes et inutiles à la relation, en l'occurrence ses états d'âmes sous forme de vers qui finissent en rimes, et en même temps, constater avec tristesse que les coups répétés à la tête ont définitivement eu raison de quelques cellules, dont celles qui s'occupaient de gérer l'inhibition et le sens critique. C'est sans compter les problèmes massifs au niveau du langage (un lexique nettement moins riche que la normale, entre autres, et une articulation molasse) qui nuisent gravement au médium et accentuent le malaise de l'entourage.

Cela dit, plusieurs de ces symptômes n'atteignent pas le blogueur, ce qui place la famille de ce dernier dans une position nettement plus enviable.

(À moi-même: à l'heure qu'il est, j'espère ne pas faire erreur en soulignant l'intrigante corrélation entre boxe et poésie. La description ci-haut semble plutôt faire référence à la trisomie 21.)

Hier, je disais que je me rendrais à la confesse. Considérons cette discutable comparaison comme une demande de pardon à ceux qui me connaissent et que mes allusions à la luxure rendent mal à l'aise.

N'oubliez pas que le sport et le sexe, c'est vendeur. Vous voulez que je vous rembourse un jour, oui ou non?
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17 avril 2009

Mea culpa

On vaut tous une risée. Moi, la première. Pour avoir écorché plusieurs intervenants du monde artistique - certains inoffensifs, d'autres moins - je mérite qu'on me lance quelques pierres. C'est le but, en fait. Celui qui me lance une pierre doit d'abord me regarder une seconde, s'il veut m'atteindre. À moins qu'il utilise un Taser; apparemment, avec ça, il a le droit d'y aller au hasard, sans viser, et de donner le nombre de décharges qu'il veut. Autrement, je pars gagnante, ne serait-ce que pour avoir été vue. C'est la technique de Michèle Richard. Elle non plus n'aime pas s'habiller pour rien.

Il est dans ma nature de rire des autres. Je le fais sans remords aucuns, je dirais même avec allégresse. J'aimerais être drôle sans avoir à faire ça mais il semble qu'on m'ait implanté ce don et pas celui du punch. J'ai beau essayer, je punch toujours un peu tout croche, avec un mot de trop ou je m'embourbe dans une syntaxe qui agonise à l'oral. Souvent, je quitte la pièce en vitesse pour accentuer l'effet de la blague (sous les conseils d'une pro du gag dont je tairai le nom pour utiliser ses trucs en paix), mais en réalité, je quitte honteuse d'avoir sonné un peu faux. Si je ris de quelqu'un, alors là, je tombe dans le mille à chaque fois.

Je tiens ça de ma mère. Et de mes tantes. Et de leurs amies. Et de ma soeur. En fait, je pratique cette activité avec la dernière. J'aime bien justifier ce genre de vice; ça permet de donner des exemples et de faire passer ça pour de la rigueur.

Il paraît que le rire, ou plutôt la cause du rire, fait référence à notre part d'ombre, à nos envies secrètes, à nos blocages. Selon cette théorie, quand je lance gratuitement, comme dans un précédent texte, que JiCi Lauzon semble perdu, (et ça me fait rire, bien sûr), j'exprime peut-être mon désir refoulé de faire du stand-up comique au Festival Juste pour Rire, de donner des conférences ET d'intégrer dans mon show des chansons country qu'on-sait-pas-si-c'est-des-jokes-ou-pas. Finalement, la théorie fonctionne assez bien... À part le visuel; j'aurais définitivement choisi autre chose.


Voyez? Oui, c'est méchant (peut-être même illégal d'utiliser sa photo...? Allez visiter son site pour me déculpabiliser). Mais avouez que ça vaut une risée. Je ne peux m'empêcher de l'imaginer regarder par-dessus l'épaule de son graphiste et dire: ''C'est exactement ça que je veux''.

Tant qu'à y être, voici ce qu'il est advenu du cadre de Garou mis au chemin il y a quelques jours. On ne pourra pas me reprocher de ne pas faire le suivi. Même les éboueurs le contournent.

Bonne journée. Demain, j'irai à la confesse.

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16 avril 2009

Amitié bien ordonnée commence par soi-même

Qu'il est déconcertant, en amitié féminine, de se heurter à une incompatibilité irréversible à propos d'une passion naissante pour l'une, qui lui promet de si grandes réjouissances, alors qu'elle ennuie l'autre à mourir! Combien d'amitiés ont résisté à la formation d'un tel cratère? Laquelle des deux a dû enjamber la fissure pour rejoindre l'autre? Doit-on se soumettre à la loi du silence sélectif? Parler de tout sauf de ça?

Après avoir tout partagé, après avoir débattu dans le même sens sur autant de sujets hyper précis, se rendre compte que l'une vénère tel projet social, tel lieu à fréquenter ou pire, tel ou tel artiste, alors que l'autre en a le dédain, jette un froid sur l'unité bienfaisante et la fend sauvagement en deux, laissant les âmes démembrées et claudicantes, dans une mare de reconsidérations personnelles.

Ici, on parle de l'amitié pure, de l'acceptation inconditionnelle entre deux personnes sans lien génétique - donc l'amour pas obligé - qui se développe ailleurs que dans l'attirance physique - ce qui limite les tactiques de réconciliation - et dont les paramètres ne sont pas internationalement (du moins, en occident) définis. L'amour le plus difficile à comprendre, donc. On ne franchit pas avec l'autre l'étape du déménagement, on ne lui passe pas la bague au doigt, on n'accueille pas ensemble la progéniture, il se peut qu'on lui apprenne l'existence d'un frère après 10 ans! et, quand on y pense, on ne ressent aucune pression, ni sociale ni personnelle, qui encouragerait les deux parties à investir dans la relation. Pas d'enveloppe à la performance non plus. Pourtant, c'est une évidence; l'amitié est le plus frivole des amours, le plus libre et le plus orgueilleux, mais celui qui enrobe le coeur d'une protection excédentaire, qui donne le courage de risquer plus, et ne menace jamais de quitter, puisqu'il n'est jamais complètement présent.

Ce n'est pas pour rien que les écrivains, si troublés par leur propre personne, ressentent le besoin de publier des heures de correspondance amicale. En amour, on ne peut parler ensemble d'autre chose que de l'amour partagé. En famille, on parle du passé et des souvenirs collectifs. Ce n'est qu'en amitié qu'on puisse véritablement parler de soi. Pas étonnant qu'après un contact amical, l'amoureux et la famille se sentent laissés pour compte, abandonnés. Ils le sont, en réalité.

En échange, combien de passions ont été transmises en amitié parce que l'une n'a pu s'empêcher, en raison de la proximité, de s'étirer le cou et de regarder par-dessus l'épaule de l'autre, angoissée d'y découvrir un filon qui risquerait de convenir aux deux et qui, s'il n'est pas récupéré à temps, menace de devenir l'affaire d'une seule, l'éloignant ainsi de l'autre?

Oui, bien sûr, c'est déconcertant. Il faut être bien mature, d'une maturité remarquable, pour réussir à partager quoi que ce soit avec une amie qui nous ressemble. Toutes n'ont pas la chance de tomber, à la maternelle, sur l'incarnation même de son contraire, qui, par une nécessité quelconque, deviendra sa meilleure amie (proximité des résidences, covoiturage des parents, même gardienne, allergie commune aux arachides, dyslexie, etc. Même l'ordre alphabétique dans une classe peut imposer des guerres et des alliances.); toutes les raisons sont valables pour pousser les adultes à associer des enfants entre eux, dans un but purement pratique, à l'âge où ils s'accommodent à rien. Si une telle union perdure, quelle chance! On peut survivre à bien des divergences d'opinions en prétextant une amitié qui dure depuis toujours.

Choisir une amie sur le tard (avant l'âge d'or, tout de même. À cet âge, c'est un tout autre fonctionnement) en se basant sur ses valeurs et intérêts est une source intarissable de conflits, le plus souvent intérieurs puisque tabous. Encore, l'orgueil est en jeu, puisque l'amie devient notre point de comparaison et malgré ce qu'on peut penser, la véritable personne à impressionner. C'est avec la sagesse et le temps qu'on devient tranquille en amitié, quand les deux vies se remplissent de vérité.

Dans le cas inverse, quand l'une des deux vies prend le champ et se remplit de mensonges - l'amie devient sectaire, par exemple, ou ''s'Harperise'' - c'est la rupture obligatoire et vite.
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Maudit bonheur

En prenant pour acquis que le but ultime de chaque être humain soit d'être heureux et si l'on arpente les rues avec cette seule idée en tête, il est intéressant d'analyser les directions que nos voisins empruntent et d'essayer de comprendre où ils veulent en venir. Je ne parle pas du genre de voisin qui arrose son carré d'asphalte - pour éviter, bien sûr, que les énormes grains de sable empêchent sa voiture de reculer, ou qu'ils s'agrippent à ses pneus et encombrent ensuite la route, ce serait fâcheux - ni du genre de voisin qui vole ton bac de récupération une semaine sur deux, par souci de l'environnement, te privant par le fait même de récupérer de ton côté, au profit du même environnement.

Je parle de nos voisins dans le sens de nos prochains, avec qui nous partageons non pas une haie, mais une planète (oui, j'essaie de voir grand aujourd'hui).

J'ai compris que les détours que chacun choisit d'emprunter dans sa trajectoire vers le bonheur, qui font que la route est plus longue pour certains, plus ennuyante pour d'autres ou plus dommageable pour la santé, ne sont pas imposés par le hasard ou par l'extérieur. On a tous une petite idée de là où l'on veut aller (à part peut-être Jici Lauzon, qui semble errer sévèrement ces temps-ci); on n'est pas toujours conscient que les obstacles viendront d'abord de soi.

La lâcheté, par exemple, obstacle par excellence qui s'installe plus ou moins rapidement selon les caractères, mais qui propose son option à tout coup, sous un visage différent, comme un bon joueur de poker. Dans mon imaginaire, elle est représentée par un bain bouillant, qui invite à la détente et à la tranquillité, mais duquel on sort fripé et nauséeux pour s'y être complu trop longtemps.
La dépendance, aussi minime soit-elle, aux autres, à une substance, à une routine, à une émotion, peut aussi faire dériver n'importe qui, se plaçant à l'avant-plan, devant la cible ultime et la dissimulant complètement. On ne verra clair à nouveau qu'une fois la dose administrée, peu importe sa nature. En terme d'obstacle, en voici un d'une efficacité éprouvée.

Aussi, l'idée du bonheur exclut souvent certaines sphères précises de l'existence, celles qui sont déjà satisfaisantes, par exemple, qu'il est si facile d'oublier. En se projetant dans l'avenir et en s'implantant virtuellement dans la situation idéale, on fait souvent omission de ce qui apporte déjà du bonheur, aveuglé que l'on est par le désir de nouveauté. Changer de ville pour le travail, par exemple, et être privée de sa famille. Le prochain rêve impliquera peut-être une proximité familiale et on s'ennuiera de l'ancienne ville.

Ai-je besoin de répéter, à la Michel Rivard, que le but à atteindre ne vaut pas la façon de s'y rendre, même si cette phrase n'existe que pour justifier notre lâcheté et nos dépendances?
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