31 mars 2009

En temps et lieux

J'ai bien essayé de devenir une adulte. Ça m'a rendue malade. Je n'y arriverai probablement jamais, comme d'autres n'arriveront jamais à se délecter d'un bonheur simple. Je m'y suis mal prise, il faut dire, et me voilà échaudée. Je me souviens d'avoir remplacé mes histoires d'enfant par des responsabilités. Mauvais choix, s'il en est; les deux peuvent sûrement coexister, tant que les responsabilités ne deviennent pas l'intrigue principale d'une histoire prévisible à mourir. J'aurais dû remplacer quelques histoires par, tiens, des faits, des connaissances historiques ou géographiques. Ça donne de la crédibilité aux histoires.

Sachez que jamais je n’ai porté attention à ces détails et que si l’on ne se fiait qu’à moi pour transposer ma vie en images, il n’y aurait pas de nom de rue sur les panneaux indicateurs et aucune différence de style vestimentaire entre les années 90 et 2000.

Cette précision dans le lieu et dans le temps est pourtant une manie d’écrivain. Je la soupçonne d'être un compromis parfois, que les auteurs font pour confirmer leur statut de raconteurs. Ils se contraignent à donner des informations précises au lecteur pour ne pas se faire accuser d’étourderie et de manque de rigueur. Honnêtement, la plupart se foutent bien des détours factuels qu’ils emprunteront pour finalement parler d'eux-mêmes:

‘’Un jour où Robert devait venir pour vingt-quatre heures à Tansonville, je fus stupéfait de la voir venir se mettre à table(…)’’(Marcel Proust, Le temps retrouvé, p.65).

L'écrivain enviera toujours secrètement les historiens et les journalistes, qui eux ont réussi à devenir des adultes, et essaiera souvent de les imiter en utilisant leurs procédés, sans toutefois manquer d'en être profondément désintéressé.

Penser à ses responsabilités juste assez pour ne pas y penser tout le temps. Ça se peut sur papier. La vérité, c'est que je suis tout à fait capable de ne me rendre responsable de rien et de n'y penser jamais. Une enfant, je vous dis.

30 mars 2009

Un exemple d'humilité

Hier soir, à la Soirée des Prix Jutra. Ça ne se racontait pas en mots.

J'ai fait un peu de montage, mais l'essentiel était déjà livré tel quel.

Pour les sceptiques, oui, vous avez le droit de rire.

29 mars 2009

Formule brute

Tout est science. Je l'ai dit. Ça ne m'enchante pas, au contraire. Tout est molécule, composition, machine, fonctionnement. La petite fille en moi qui croit encore aux miracles la trouve raide, croyez-moi. Mais il y a longtemps que je suis au courant; j'ai eu le temps de me faire à l'idée, mais je n'en suis pas moins désolée.

Ça veut dire que l'infaillible existe, c'est grave.

Quand je dis miracles, je ne parle pas de ceux de la médecine ou des exploits surhumains; il n'y a pas plus scientifique qu'un exploit surhumain. Je parle des miracles comme l'apparition d'une fée ou comme le décret d'un congé obligatoire durant les Internationaux de Tennis. Je parle des vrais miracles, où il y aurait une petite musique de scintillement et des yeux incrédules.

Se rendre compte que tout est physique ou chimique doit être une déception pour chaque personne pour qui l'imagination est à la fois un outil de travail et à l'origine des plus grands moments de sa vie. (Ça donne aussi beaucoup trop de crédit à un certain prof du secondaire à la démagogie bancale qui, selon ma théorie, possèderait donc la clé du mystère de la vie. Un instant, avait-il seulement compris ce qu'il enseignait?).

Il est en effet décevant pour tout artiste d'apprendre comment se déclenche dans le cerveau et dans le corps entier le processus de réflexion, de création. Que c'est aussi scientifique que le principe d'absorption de nutriments pour fournir un effort physique. Vraiment, on est loin de la version romantique qui veut qu'un artiste soit soudainement happé par une force supérieure à laquelle il servira de canal pour transmettre un message qui changera le monde. Fini la poésie de l'artiste élu, de l'illuminé. Non, la concentration, le fait de mobiliser ses facultés mentales sur une action précise, sur une idée (propulsant le sang directement au cerveau), est probablement responsable de la naissance de la majorité des chefs-d’œuvre, davantage en tout cas que l'hypothèse de l'ensorcellement par une entité créatrice venue de l'au-delà.

Même chose pour les émotions. Désolée, tout ça relève de la chimie.

Les artistes sont, pour ainsi dire, au service de la science. Après tout, on teste sur eux depuis des années les effets du lithium et des antidépresseurs. Ne sont-ils pas aussi les plus beaux spécimens de toxicomanes?

28 mars 2009

À l'horaire

Lorsque la vie se passe, que les heures sont toutes remplies, chargées d'émotions toujours différentes, nous faisant croiser des gens sans arrêt (rencontres pas toujours mémorables, cela dit), il y a bizarrement bien peu à dire. Certaines personnes organisent leur vie de manière à remplir toutes les cases de l'agenda, en prévoyant des moments de pause. Je fonctionne à l'inverse. Je place plutôt des occupations stratégiquement pour ponctuer mes moments de pause. Quand la vie me donne trop de contenu, mon cerveau arrête d'analyser, incapable de lier toutes les informations entre elles, de les digérer et d'en extirper une conclusion, une hypothèse ou une simple métaphore de surface inspirée du milieu artistique populaire québécois (ma sortie de secours, quasi infaillible).

Je suis faite pour avoir de petites journées et d'en faire un plat énorme, pas pour courir d'un lieu à l'autre, d'une discussion à l'autre, d'une activité à l'autre, et ne jamais me rappeler de qui disait quoi et de ce que je pensais de qui. Si j'eusse été cette deuxième personne, je n'aurais jamais remarqué que mes journées remplies sont souvent bien vides en bout de ligne. C'est intéressant, mais n'est-ce pas là une réflexion qui sied à une fille qui n'a pas de talent pour l'action?

Une bonne anecdote par jour, c'est amplement suffisant. Je peux faire un bon bout de chemin là-dessus. Tant mieux si elle arrive tôt le matin; j'ai tout le reste de la journée pour la regarder.

Aujourd'hui, par exemple, trop d'images à stocker. Beaucoup trop de lieux, beaucoup trop de monde (première journée du printemps oblige, tous mes anciens collègues d'université se sont passé le mot pour me croiser sur la rue). Mon cerveau surchauffait déjà à midi. Ce n'est pas de la paresse, c'est une abondance qui ne m'intéresse pas (la seule, d'ailleurs, prière de la respecter). Pour une structure cérébrale comme la mienne, un aller en autobus et déjà, mon quota d'informations à assimiler est atteint. Le reste est superflu. J'ai déjà assez de matière à exploiter. Je sature tellement vite que parfois, lorsque la journée passe et que les événements s'enchaînent trop parfaitement, j'ai l'impression de perdre mon temps.

À ce rythme-là, j'arrive toujours un peu en retard à la ligue d'arrivée (mettons que les coureurs ont déjà pris leur douche et ont eu le temps de se mettre chic pour la remise des prix). Mais je revendique le droit de penser que j'ai peut-être eu un peu plus de fun.

En tout cas, j'ai sué autant.

26 mars 2009

Le ménage du printemps

Lorsqu'on commence à craindre la sonnerie du téléphone, c'est normalement parce qu'on a peur de notre propre liste de contacts, ce qui, à moins d'être un ex-mafieux ou un nouveau sectaire, n'est pas souhaitable. La sonnerie du cellulaire, du moins. Parce qu'à notre époque, le téléphone de la maison n'est sollicité que par des gens qui ne nous connaissent pas, qui trouvent notre numéro sur une liste tapée sur un clavier sans accents, et qui nous interpellent par notre nom de famille, comme un vieux pote du secondaire, en pensant qu'il s'agit de notre prénom.

À en croire mon téléphone résidentiel, ma coloc est une anglophone et je suis le maître de la maison.

Lorsque c'est la sonnerie du cellulaire qui fait soupirer, c'est une autre sorte d'alarme qui retentit: et si nous n'étions pas dans la bonne vie? N'en déplaise à la liste de contacts - ces gens-là n'y sont pour rien - il faut peut-être penser à s'en faire une nouvelle.

Si Serge Postigo avait eu un cellulaire à l'époque de 4 et demi...(s'il en avait un, il était énorme et captait les ondes radio), il aurait, par exemple, effacé les noms de Robert Brouillette et Alain Zouvi pour les remplacer par ceux de ses nouveaux collègues de Rue l'Espérance, Guy Mignault et Myriam Poirier (qui?). Et conservé Robert Lalonde, qui jouait dans les deux, pour avoir des potins de l'ancien plateau.

Je sais bien que le plus difficile est d'effectuer un tel virage avec l'assurance de ne pas faire pire. Ce n'est pas impossible. Ça demande du courage, c'est tout. Et graduellement, la sonnerie du cellulaire redeviendra une bonne nouvelle.

25 mars 2009

Marque de commerce

Connaissez-vous Bob la Cuillère? Je sais que oui. Je me demande comment il a réussi son coup, d'ailleurs. Tout le monde le connaît. C'est celui qui joue de la cuillère avec des pelles. Qui joue de la pelle, autrement dit. C'est pour dire à quel point il n'y a pas de recette pour le succès. René Angélil peut bien se creuser la tête avec sa théorie des séquences, il reste que Robert joue de la pelle et on se l'arrache.

Pour une raison qui m'échappe, je sais qu'il est aussi opérateur de grue.

Je suis certaine qu'à chaque jour ou presque, on doit lui demander s'il est capable de jouer de la cuillère avec des objets métalliques insolites. On doit le mettre au défi, les femmes doivent chercher dans leur sacoche. C'est un original, alors sa personnalité se résume à l'aspect original de lui-même qui a été présenté au public. Si, en plus, il est gentil - bien sûr qu'il l'est - l'affaire est dans le sac. Cependant, il est contraint chaque jour à cogner sur n'importe quoi , avec ou sans cuillère, en faisant des grimaces, pour prouver qu'il est bien Bob la Cuillère.

À ce propos, je souris toujours lorsque je vois les propriétaires du restaurant Crudessence à la télévision. Leur originalité prenant sa source dans le fait que tous leurs mets sont préparés sans cuisson, ils se heurtent aux deux minutes à des phrases du genre: ''Miam! Et vous me dites que ceci est préparé sans cuisson?''. C'est lourd. Parfois, ils se sentent eux-mêmes obligés de faire le rappel: ''Tout ça sans cuisson!'' pour vérifier si le flash sonne toujours bien et pour s'assurer qu'ils recevront les exclamations auxquelles ils sont habitués. Je suis certaine que Bob la Cuillère ne peut parfois pas s'empêcher de se garocher lui-même sur une paire de pelles pour provoquer l'excitation qui justifie son travail.

Je disais l'autre jour qu'il fallait choisir avec goût ses compétences puisque nous seront forcés de les mettre à l'oeuvre et d'en parler jusqu'à la résidence. Que dire de la raison de son succès! Avant de penser à être célèbre, mieux vaut penser à la manière d'y arriver. On ne sait jamais ce qui nous collera à la peau pour la vie.

Chantal Fontaine ne pouvait pas savoir.

24 mars 2009

Temps perdu

Me voilà prise au piège, celui que je dénonce et que je reproche aux autres de ne pas voir, de ne pas vouloir voir. Le manque de temps. Ce n'est pas la première fois que je ne contourne pas les défauts qui m'agacent chez les autres. Combien de fois ai-je clamé que le monde se porterait mieux si chacun savait ce qu'il vaut et s'en tenait à ça, que le pourcentage de chance de se surprendre soi-même est beaucoup plus élevé si l’on ne s'emballe pas trop au départ, alors que je continue de me surestimer quotidiennement?

Je fuis le prétexte du manque de temps comme la peste (ou l'influenza, moins caduque). On ne veut pas, dans son entourage, de quelqu'un qui manque de temps pour tout; c'est impossible. Il y a sûrement quelque chose de superflu qui engorge l'agenda. Je ne réinvente pas la roue, on parle du manque de temps depuis des lunes (depuis Parler pour Parler, minimum). Je sais que certaines situations sont plus accaparantes que d'autres; parlez-en à Jon and Kate de TLC. Mais ils passent à travers la vie au même rythme que tout le monde, sans avoir plus de temps mais en assumant leurs choix.

Quelqu'un qui se plaint constamment du manque de temps passe nécessairement trop temps là où il ne devrait pas. Et, pour spécifier aux jeunes nouveaux professionnels du Mile-End ou à toutes les stagiaires en télévision du monde entier, il ne fait pas partie des avantages sociaux de se plaindre du manque de temps. Ce n'est pas un talent, ça ne veut pas dire qu'on travaille mieux; on ne peut pas s'en vanter pour justifier un laisser-aller au niveau de l'alimentation, une relation amoureuse dévalorisante ou une absence à l'enterrement d'un proche. C'est l'excuse facile; même un astronaute serait tenté de dire ''J'ai manqué de temps pour venir à ton mariage.'' plutôt que ''J'étais dans l'espace.''

Je sais de source sure que plusieurs personnes se téléphonent pour passer du temps à s'énumérer les choses qu'elles ne font pas par manque de temps. C'est vrai qu'elles n'ont pas ma chance; passer du temps à écrire que j'ai peur de manquer de temps pour écrire, alors que je m'étais promis de ne pas tomber dans le piège du manque de temps, et l'écrire en même temps que j'y pense, pour finalement me rendre compte que j'ai eu le temps de le faire.

Je viens en plus de démystifier la façon de travailler d'Élyse Marquis, dans son ‘’radiothon’’ quotidien de 9h à 16h sans recherchiste.

23 mars 2009

L'autobus du show-business

Tel un serpent autour du cou d'Eric Lapointe, je me sens bousculée ce matin, comme catapultée dans un autre pays... C'est l'hiver à nouveau. Je n'en parlerai pas; je voulais juste ploguer le serpent.

Ça m'amuse de penser que pour un moment de télévision aussi peu gagnant, un animalier ait dû se déplacer avec une cage, participer à la répétition, souper avec l'équipe, faire souper le serpent, attendre en coulisses, guetter si le serpent ne se mettrait pas à freaker sur les épaules du chanteur et rentrer chez lui, tout incrédule de constater que son métier lui donne la chance d'adresser la parole à Dany Bédar.

Ce qui veut dire qu'hier, en plus des familles proches, éloignées, très éloignées ou tout à fait inconnues des académiciens, il y avait à l'écoute, hystériques et prêts à voter, les proches du serpent et de son charmeur.

Star Académie est le spectacle de tout le monde, parce que tous les Québécois sont reliés de près ou de loin à un participant, à quelqu'un du staff ou à une partie du décor (je connais quelqu'un qui connaît quelqu'un qui a posé le tapis à l'Académie et dont la vie a complètement basculé); on aime tous participer à l'érection d'un succès, ce qui en fait obligatoirement, si l'on suit la logique, un succès.

Cela fait de lui un tout petit spectacle, par le fait même. Un spectacle de sous-sol où tout le village est invité. Avec Mitsou dans le rôle de la groupie et son amoureux Iohann, le manteau sur le dos, dans celui du mononcle qui serait arrivé en retard. Et des gros plans de matante Patricia Tulasne, qui semble survoltée d'avoir réussi à entrer avec sa vieille accréditation de TVA, expirée depuis La Misère des Riches.

Un spectacle que tout le monde s'approprie et qu'il semble plus agréable à regarder qu'à faire. Tant mieux. Mais ne nous étonnons pas si, ensuite, il est plus difficile pour les gens du public de croire au rêve, à la magie du show-business, au glamour et aux artistes plus grands que nature; bientôt, ils auront fait la file devant les Studios Mel's aux côtés de toute la colonie artistique, de Charles Lafortune à André Robitaille, aussi fanatiques et ordinaires que nous le dimanche soir, le Kanuk en plus, pour applaudir, les larmes aux yeux, le départ d'un autobus rempli de chanteurs en formation.

C'est connu, je n'aime pas quand les gens engagés pour faire rêver le public se mettent à rêver en public. C'est comme si j'offrais du pain à mon boulanger et qu'il préférait le mien. Je devrais changer de boulanger, non?

22 mars 2009

Rira bien

Comme si je n'avais pas déjà assez d'imprécisions de caractère, je viens de réaliser que, malgré ma tendance à tout tourner en dérision, je n'aime pas le fun. Mes activités quotidiennes excluent tout ce qui amuse le commun des mortels (exceptions faites de l'émission Wipeout à TQS et des autos tamponneuses, une fois par année, qui me font rire aux larmes jusqu'à avoir honte après, la même honte que lorsque j'admets avoir aimé le film Un homme et son péché).

C'est là où il faut être vigilant. Le snobisme a ses avantages mais souvent, il empêche le fun et prive le snob d'une bonne dose d'endorphines faciles, qui le rendrait plus heureux et plus en forme pour assumer ses fonctions de snob le reste de la journée. Je ne veux pas dire qu'il faille se forcer pour s'entourer de clowns ou commencer à aller voir des spectacles de prestidigitateurs/imitateurs. Quand même pas.

Mais réintégrer graduellement les blagues de base serait un bon début. Par blagues de base, j'entends les classiques comme le seau d'eau au-dessus de la porte, le billet de 20$ au bout du fil, ''votre frigidaire marche-tu?'' et, pour les plus patients et débrouillards, le lit porte-feuille. Tenter un jeu de mot ici et là, faire marcher quelqu'un. Ça c'est le fun, faire marcher quelqu'un.

Mais surtout, éviter toute démarche intellectuelle ou toute précision de snob qui tuerait la blague dans l'oeuf. Faire croire à quelqu'un, par exemple, qu'on a croisé Jean-François Harrisson au parc pour enfants, c'est drôle. Ok, mon erreur, ce n'est pas drôle. Faire croire qu'on a croisé, mettons, n'importe qui sauf lui, n'importe où sauf au parc pour enfants, c'est drôle. Si l'on ajoute ''en revenant du Musée National d'Art Moderne'', la blague est à l'eau. Pas de buzz d'endorphines pour personne.

En fait, la véritable clé, c'est d'arriver à se faire rire soi-même. Certains membres de ma famille ont osé - s'attirant ainsi mon admiration à vie - réintégrer l'entartage libre, sans sous-texte politique. Moi, ce sont définitivement les blagues de cyberpédophiles qui me font rire. Chacun son style.

21 mars 2009

Le gagnant est

Pendant que certains chercheurs se penchent sur des questions aussi déterminantes que le traitement du cancer ou l'exploration des cellules souches, d'autres, pour vrai, qui se promènent aussi en brandissant le titre de chercheurs, envoient par un tuyau des effluves d'excréments humains dans les narines d'un cobaye, lui présentent simultanément un diaporama composé d'images réconfortantes ou répugnantes et, grâce à des senseurs, analysent si l'odeur de marde est perçue de façon plus ou moins violente par le nez du cobaye dépendamment de la sorte d'image qu'il voit pendant que ça pue.

Ceux-là, dans une réunion familiale, se vantent de faire de la recherche anthropologique. Ils sont, au monde des chercheurs, ce que Benoît Roberge est au monde des chroniqueurs/comédiens/réalisateurs (c'est-à-dire ni l'un ni l'autre, mais il ressemble tellement à l'un ou l'autre qu'on lui donne des contrats sans vérifier son CV). Surtout, difficiles à qualifier.

D'ailleurs, il m'arrive d'avoir de la difficulté à supporter ma journée quand je pense que se trouvent, dans un classeur quelque part, les résultats de cette étude. Encore, ma conscience est dans le chemin de mon bonheur.

Mais voilà qu'une race de monde se pointe et déloge les chercheurs de rien sur la plus haute marche du podium dans la course à l'insignifiance. J'ai nommé: les gagnants. Eux, en plus de ne servir à rien, demandent un effort surhumain en gestion.

Dans le cadre de mon travail, j'ai souvent eu à organiser des concours et à chaque fois - pas besoin de sonder, j'ai bien dit 100% des fois - la personne gagnante était insatisfaite de son prix, insatisfaite des délais, indisponible jusqu'en 2012, en fauteuil roulant quand le prix implique de marcher (moi, quand le prix implique un permis de conduire, je fais mon deuil.)

À chaque fois que j'ai à interagir avec un gagnant, je me sens comme si j'avais moi-même sélectionné quelqu'un au hasard pour le harceler et le convaincre d'accepter un prix qui ne ferait pas son affaire, qui lui nuirait, qui ruinerait sa tranquillité d'esprit et celle de sa famille. Je me sens comme si j'allais déposer un poupon dans un panier sur la galerie d'une madame de Boucherville (les gagnants sont toujours l'autre bord des ponts).

Madame de Boucherville, TU as participé, vas sur mapquest pis viens chercher ton prix.

Si j'étais une humoriste, j'utiliserais ici le classique enchaînement sacre/black-out.

20 mars 2009

Orientations

Je ne peux pas dire où je serai dans dix ans, mais je sais que je ne participerai jamais aux Jeux Olympiques. C'est un triste constat, je sais. Il aurait fallu y penser avant. Pas grave, regardez-moi bien transposer ce regret sur mes enfants.

Il reste que c'est un peu ce que je leur souhaite (si j'en ai). Avoir une passion qui les garde occupés, pour que la vie leur passe sous le nez sans trop qu'ils la voient. Si ça mène aux Jeux Olympiques, tant mieux, puisqu'ils auront, en plus d'une passion, des commanditaires.

À la limite, je me fous de savoir si cette passion servira aux autres ou pas, tant qu'elle ne nuit pas à la majorité (tester des explosifs, par exemple).

Selon moi, la passion par excellence, c'est la musique. D'abord, c'est un don. Par définition, ceux qui ne le possèdent pas ignorent qu'une partie du travail a été fait avant la naissance, donc te félicitent et t'idolâtrent pour un acharnement somme toute modéré. Aussi, la musique traduit et libère les troubles d'intériorité, ce qui sauve des frais en thérapie. Le comble, l'exercice de cette passion nécessitant un travail sur l'image, il vient rarement sans un style vestimentaire recherché.

D'autres naîtront avec un odorat ultra développé et un don certain pour la cuisine, mais, à part quelques privilégiés, ne seront jamais appelés à performer en public ou à donner des entrevues. Ils récolteront des félicitations de plus petite envergure, avec un climax dans le temps des fêtes, et ne performeront jamais mieux s'ils ont meilleure allure.

Les pauvres dont la passion est la peinture ne s'exposent malheureusement qu'à de très rares et spéculatifs compliments. En plus d'être constamment tachés.

Vraiment, j'aimerais que mes enfants développent- je pousserai, croyez-moi - une passion pour la musique.

Toute autre discipline qui justifiera une entrevue avec la Barbara Walters du prochain demi-siècle fera aussi l'affaire de maman.

18 mars 2009

Wrap party

Je ne pourrais pas être actrice parce que je ne saurais pas gérer les fins de tournage. Aussi parce qu'incarner quelqu'un d'autre m'ennuierait à mourir, à moins qu'il s'agisse d'une icône dramatique comme Madonna ou Renée Martel, mais là, ce sont des complications au niveau de la crédibilité que nous aurions. N'insistez pas, je n'ai aucune technique et aucun intérêt; je voulais parler des fins de tournage.

À bien y penser, je personnifie avec brio la femme blessée qui quitte une pièce après avoir été mise au courant d'une trahison. Je suis certaine que Lise Dion la fait, celle-là, mieux que moi, pour se payer la tête de son entourage. La fausse vexée, ça marche à tout coup.

Parlant de Lise Dion (ou était-ce plutôt Ginette Reno?), je me demande si la fin du tournage de Laura Cadieux...la suite s'est bien déroulée, sur le bateau de croisìère. Si je me fie au casting, il devait y avoir beaucoup d'émotion, et surtout un gros décalage de frénésie entre la dernière scène de Sonia Vachon et celle de Sophie Lorain. D'ailleurs, si ma mémoire est bonne, le rôle de cette dernière, fille de la réalisatrice, était totalement inutile à l'intrigue; ça sentait fort la croisière familiale sur le bras de la production. Ah! Qu'il est savoureux de partir des rumeurs sur des événements de 1999.

D'ailleurs, cette année-là, Rita Lafontaine a gagné le Métrostar de la personnalité de l'année. La rumeur veut qu'elle ait acheté, l'année précédente, des dizaines et des dizaines de franchises Métro avec son cachet du Retour.

Bon. Ce que je sais, c'est que je crains tellement les finales en tant que public, que l'on soit au cinéma ou à la télévision, que cela minerait mon comportement sur le plateau. La finale de Scoop était impardonnable, celle d'Omertà, incompréhensible, celle de Minuit, le soir, maladroitement morbide. Tout ça, dans le temps où les budgets permettaient aux créateurs de prévoir la fin d'une série sans risquer de se faire retirer des ondes avant (à ce sujet, sortez Providence pendant que le prétexte de la crise marche encore. C'était bon, jusqu'à ce qu'on plaide la folie à tout instant pour pallier aux incohérences du scénario.)

Souvenez-vous des perruques blanches de Six Feet Under. Les finales mettent tout le monde dans un état de surexcitation, comme si l'on s'apprêtait à changer le cours de l'histoire, ce qui fait prendre de douteuses décisions artistiques.

Je supporterais mal de tourner une finale parce que je serais inconsolable après la dernière scène - que l'expérience ait été agréable ou non - et je laisserais à ces collègues temporaires l'impression que, tout ce temps, j'étais véritablement en fusion avec mon personnage (j'imagine que dans le milieu, c'est honteux) et qu'en dehors du tournage, je n'avais plus de vie...
La vérité, je l'ai déjà dit, c'est que malgré mon cynisme, j'ai de grandes aspirations collectives, surtout en ce qui concerne la création, et lorsque je m'en approche, je deviens mélancolique.

Que j'aurais aimé être sur ce bateau de croisière avec Pierrette Robitaille et Michel Dumont.

Erreur sur la personne

Par une drôle d'association aux origines vraiment nébuleuses, j'ai cru toute mon enfance que L'Homme qui plantait des arbres, c'était Félix Leclerc. Pour moi, le monsieur aux cheveux blancs avec une canne passait ses journées à planter des arbres à l'Île D'Orléans, là où il avait ramassé un p'tit bonheur en pleurs. Même histoire. L'Homme qui plantait des arbres est, dans mon esprit, mort en 1988. J'avais 6 ans.

Avec le temps, je me rends compte que je n'ai aucune idée de qui est L'Homme qui plantait des arbres.

J'imagine qu'il n'y a pas matière à complexe; un certain nouveau Ministre du Patrimoine canadien n'a, à l'heure actuelle, aucune idée de qui est Robert Lepage.

À longueur de journée, les gens qui m'entourent et moi essayons d'évoluer, de faire profiter les autres du meilleur de nous-mêmes, donc de trouver la position qui nous avantage le plus, qui nous sert le mieux. Nous ne sommes pas des héros, juste des êtres qui tentons d'être lucides face à nous-mêmes.

Monsieur le Ministre du Patrimoine canadien, ce soir, ira au lit avec en tête une panoplie de connaissances diverses acquises avec les années. Mais, il ne sait pas qui est Céline Galipeau. Remarquez qu'ici, on ne lui demande pas de connaître Josée Bournival ou de savoir qui est à l'animation de Salut, Bonjour! Weekend (personne ne le sait).

Ce genre de situation m'embête au plus haut point. En premier lieu, j'éprouve de la pitié. Pour sa famille. Ensuite, je me sens flouée. Flouée d'avoir dû, enfant, apprendre par coeur des exceptions grammaticales, des régions administratives et leur numéro, des noms bizarres de femelles du règne animal, sous prétexte que mes connaissances générales augmenteraient mes chances d'exercer le métier de mes rêves. Faux. D'abord, faire des mots croisés n'est pas un métier. Ensuite, monsieur le ministre (tiens, il a perdu ses majuscules) a gravi les échelons sans même se donner la peine de connaître le monde connu dans son pays, se pointe quand même en premier au fil d'arrivée, et repart Gros-Jean comme devant avec une partie du pouvoir.
Le lièvre (la hase) et la tortue, version sans tortue.

17 mars 2009

À sa mesure

Ça m'amuse de constater que je ne sais pas dessiner, alors que quand je songe à moi qui dessine, le résultat est tout à fait réussi. Dans ma tête, ma main ressent très bien le crayon et comprend le travail à faire pour reproduire ma pensée. Dans la réalité, je n'arrive pas à tracer un coeur et je rate souvent ma signature.

Ce déséquilibre doit se produire souvent, dans toutes les sphères de ma vie. Dans la certitude d'avoir la capacité d'exécuter une tâche, physique ou mentale, souvent on ne se l'impose pas, convaincu d'un succès immédiat dont la vérification serait une perte de temps. Si l'on essayait tout ce que l'on pense pouvoir accomplir, on aurait la surprise de se heurter à de honteuses infirmités.

Récemment, j'ai constaté avec étonnement que ma lecture à voix haute était lamentable. Je ne sais pas respirer, j'angoisse et je change les mots, ce qui rend mon auditeur confus. À l'inverse, je me soupçonnais d'être incapable de tenir un bébé.

Vous remarquerez que, dans les émissions de cuisine, plusieurs invités ne savent pas se servir d'un couteau. Ils sursautent à chaque fois que le couteau passe à travers l'aliment et frappe la planche. Ils deviennent mal à l'aise et semblent tous ignorer qu'ils avaient, jusqu'à ce jour, cette incompétence.
Moi, je sais que je ne peux pas conduire une voiture, que je ne sais pas faire une béchamel, que je lis difficilement l'heure sur une horloge, que je ne sais pas d'emblée quel mois vient après celui en cours, que je ne sais pas m'occuper d'une plante. Toutes des incapacités dues à un manque d'intérêt. Le dessin me laisse indifférente aussi, cela dit.

Ce qui me fait peur, ce serait d'apprendre sur le tard un handicap que j'aurais à exécuter une tâche que j'imaginais facile et que je considérais accessible à tout moment. Que j'aurais passé une partie de ma vie à juger froidement le travail des autres et à le tourner en ridicule sans avoir moi-même une once de talent dans le domaine. Avouez que c'est épeurant.

N'oublions pas que ce dans quoi nous excellerons sera ce dont nous aurons envie de parler, à la résidence, quand nous pourrons à peine bouger et que la vie sera remplies de vieilles anecdotes de compétences.

Mieux vaut prévenir. Moi, j'ai déjà engagé un scripteur.

16 mars 2009

Donnée aberrante

Sommes-nous en santé? Apparemment, oui. Dans les sondages à cet effet, les Québécois se portent bien, au-dessus de la moyenne, à part en ce qui a trait au cancer. Celui du poumon chez les femmes, honteusement, continue d'augmenter.

Non, je n'ai pas suivi une formation médicale entre hier et ce matin; c'est la tv qui m'apprend de belles choses, dans ce cas-ci à l'émission Sommes-nous... de Télé-Québec.)

J'ai souri en entendant que nous obtenions de bons résultats généraux, mais que nous coulions en cancer. C'est comme courir le marathon, être le meneur pendant toute la course, loin devant les autres, et s'affaisser à deux pas du fil d'arrivée. Ça ne rapporte pas de médaille. Ça ne donne rien non plus d'avoir 100% en F.P.S. au secondaire. C'est comme si, malgré tous ses efforts et les gestes concrets qu'il pose pour l'environnement, David Suzuki conduisait un Hummer.

Je me demande comment je réagirais si on m'annonçait que j'ai un bon dossier médical, mais que j'ai le cancer. Super. Je n'ai pas attrapé un rhume, ni le choléra.

Le cancer est une maladie qui se développe, entre autres, suite à l'accumulation de comportements et d'habitudes de vie néfastes (qu'on m'apprend encore à la télé). Donc, si je comprends bien et si on arrête de me niaiser, les Québécois sommes généralement en forme, c'est-à-dire que nous sommes capables de travailler comme des fous, mais échouons lamentablement là où l'on nous demande de faire de bons choix de vie généraux, sur une longue période de temps. Vraiment, de quoi être fiers.

Ce qu'on nous explique, c'est que le Québécois est un grand stressé, un grand hostile et un grand dépourvu d'estime de soi. Trois traits de caractère qui attirent le cancer. On passe assez rapidement sur les détails. Évidemment. À voir l'étendue du problème, je comprends mieux pourquoi on nous vante les bienfaits du thé vert, pourquoi on nous bourre d'antioxydants et on nous dédouble Jici Lauzon dans une campagne anti-tabac. On met le paquet pour faire diminuer le taux de cancer là où les ouvertures sont à notre portée.

Je me demande quel serait l'impact d'une campagne publicitaire contre l'hostilité au Québec. Qui serait le porte-parole? Je garde mon idée, on ne sait jamais, c'est payant la pub.

J'ai déjà essayé de changer la personnalité de quelqu'un et je me suis fait claquer la porte au nez, me retrouvant à devoir faire du travail sur moi, m'excuser, etc. Bien du trouble. Je ne m'essaierais pas sur un peuple. Je lui ferais plutôt boire du thé.

15 mars 2009

L'honneur en jeu

Les gens qui n'ont pas l'esprit compétitif me mettent hors de moi. Vraiment, je n'ai pas envie de les laisser tranquille; je les plains et je veux qu'ils le sachent.

En temps normal, je respecte et admire toute personne qui fait preuve de sagesse, de compassion, de maturité. Mais celui qui perd sans sourciller, celui qui joue véritablement, essentiellement pour le plaisir de participer et qui tape sans arrière-pensée sur l'épaule de l'équipe adverse, si seulement il s'en tenait à ne pas m'intéresser, je pourrais vaquer à autre chose, mais non, il m'insulte trop. De surcroît, il s'entête à courir les compétitions, alors que son comportement nous assure qu'il s'en fout.

Un peu de tonus. Perdre, depuis la Bible, est douloureux. Perdre, c'est être le moins bon. Ça ne sonne pas une cloche aux oreilles de l'amour propre?

Je ne suis pas, c'est vrai, la meilleure personne pour juger. Mon esprit de compétition ultra développé a déjà causé la prolifération d'une tonne de compétences inutiles et à première vue, sans intérêt. L'intérêt suprême étant de récolter une victoire, même les sacrifices de pertinence ou de réputation sont valables. J'aime donc prendre pour acquis que lorsqu'une victoire est en jeu, les participants la désirent jusqu'à vouloir y laisser leur chemise. Il y a toujours moyen, n'est-ce pas, de rester sur le bord de l'action si la fougue n'y est pas, ou même chez soi, à ne jouer avec l'honneur de personne, à apprécier la vie de famille, se contenter des défis que le quotidien pose sur son chemin, sans forcer l'excitation.
Si la compétition ne vous dit rien, pourquoi venir parader au milieu de l'arène? Vous pourriez croiser un taureau.

Pour moi, l'expression ''match de hockey amical'' ne fait aucun sens. Ne m'y invitez pas. Souper amical, oui. Match amical, non. Un homme de 60 ans accompagné de son fils de 6 ans issu d'un deuxième mariage, essayant de rattraper les années perdues avec ses autres enfants en passant du temps de qualité avec le petit dernier, viendra à coup sûr rappeler à un autre joueur sur le ton de reproche du baby-boomer, en épongeant la lèvre inférieure de sa progéniture en larmes, que ce match était amical. Il n'y a rien d'amical dans ''lames, rondelles, bâtons d'aluminium'', rien d'intergénérationnel, surtout. Je ne peux pas supporter lorsqu'une expression fait de l'ombre à la réalité.

Pour moi, même un match de billes ne peut pas être amical, et je n'y emmènerais mon fils qu'à condition qu'il me prouve hors de tout doute qu'il en a saisi tous les enjeux. Ou bien il joue pour l'autre équipe, ce qui m'avantagerait.

J'ai parlé d'esprit compétitif, pas sportif. Je ne l'ai pas, le deuxième.

14 mars 2009

La laine sur le dos

Les boucs émissaires sont ma race de monde préférée. Je suis au courant qu'ils font reluire ma personnalité. Je me déverse sur eux depuis toujours, comme une rivière qui doit se jeter dans plus grand qu'elle pour exister. Pour accepter de mettre leurs faiblesses au profit de mon rayonnement, c'est qu'ils sont plus grands que moi, bien sûr, et moins faibles.

C'est la théorie du parasitisme, appliquée aux humains. Si les deux parties se respectent, chacun augmente ses chances de survie. Dans ce cas précis, le bouc émissaire me prête sa vulnérabilité, que j'utilise comme contenu humoristique, et je lui assure protection en échange. C'est un contrat tacite mais clair. Les deux doivent être à l'aise avec la réalité que l'un semblera plus heureux que l'autre en public. Dans l'entente, les deux savent bien que c'est faux.

Une bonne tête de turc ne fait jamais pitié. Personne n'a jamais senti le besoin de prendre la défense de Suzanne Lapointe (ici, une mise à jour est nécessaire).
En fait, si la pitié monte à la gorge de quiconque autour, c'est qu'il y a eu abus et qu'une clause du contrat n'a pas été respectée. Ça arrive à certaines occasions: excès d'alcool, un nouvel intervenant qui menace de voler la vedette, une soirée vraiment trop plate, etc. Dans tout cas de dérapage, c'est la faute de l'exubérant. Le bouc émissaire n'est jamais pointé du doigt, ce qui, dans la distribution naturelle des rôles, est un avantage certain pour lui.

Il reste que sans son persécuteur, le bouc émissaire resterait dans l'ombre, silencieux. Son statut est sa porte d'entrée dans le monde et il doit savoir en profiter. Parce qu'à tout moment, les rôles peuvent être inversés - Gilles Latulippe aurait pu tomber malade et être remplacé par, je ne sais pas, le Boucar Diouf de 1987 - et sans préavis, le martyrisé devient l'agresseur et doit frapper sur l'autre. Sinon, le public s'endort et c'est la fin.

13 mars 2009

Théories affectives

Il faut n’avoir pas eu envie des gens que nous aimons pour comprendre qu’ils n’aient pas envie de nous. Envie dans les différents sens du terme. Ce qui est difficile, c'est de s'en rappeler le jour du rejet, et de ne pas remettre constamment l'amour en doute. Bonne chance.

Dans ces conditions, on laisse partir ceux qu'on aime s'il le faut, s'ils ont besoin de partir, et l'on s'en va le coeur rempli, si l'on doit quitter. (Évidemment, ces théories valent zéro si l'on vient de passer treize ans en prison à cause d'une erreur judiciaire. J'imagine que tout ce qui a été écrit ici ne vaut pas grand chose dans ces conditions-là.)

Plus légèrement, donc de façon moins évidente à mettre en pratique, on raccroche le téléphone après avoir essuyé un refus et on planifie autre chose en sifflotant, sous prétexte qu'un ''non'' ne condamne pas nécessairement l'amour, au même titre qu'un ''oui'' ne le confirmerait sûrement pas.

Le désir de quelqu’un, d'avoir de la compagnie, est un concept troublant qui exclue trop souvent, au moment où il survient, l’objet qui l’a fait naître. Qui n'a jamais utilisé autrui comme un hobby? À force de s'adonner à son passe-temps favori, on devient bon et on finit par s'y adonner parce qu'il est si rassurant d'être bon. Si nous sommes capables de manger nos émotions, imaginons ce que nous pouvons faire de notre compagnie. Ça expliquerait peut-être pourquoi nous avons parfois éloigné de nous ceux que nous aimions, accepté la présence de ceux que nous n'aimions pas et même partagé les draps de quelqu'un qui ne nous aimait pas. Des comportements pour le moins bizarres.

Nous envisageons d'ailleurs les ébats physiques comme la manifestation ultime de l’intimité. Mais quand on y pense, au-delà de la proximité des corps, il y a d’abord une solide absence de courtoisie, qui nous force à mettre en premier plan la portion de soi qui voudrait s’excuser. C’est la vulnérabilité de l’être conscient de lui-même qui crée l’intimité et non sa disponibilité envers l’autre. Que l’on ait du plaisir grâce à l’autre ou qu’on le prenne dans celui de l’autre, les excuses sont requises pour n’avoir cherché qu’à se préoccuper de soi.

Rassurez-vous, je ne pense pas toujours à ça. Je ne sais pas ce que j'ai aujourd'hui, sûrement un peu de fièvre. Hier, j'ai cru à tort que le printemps était arrivé et j'ai enlevé une couche. Ça m'apprendra.

12 mars 2009

Dégel

Par une chance inespérée, je n'ai pas vu passer l'hiver. Il faut dire que j'étais en accord avec l'hiver, cette année. Quand tout est gelé, tout est arrêté et on a le temps de penser. Ce qui pèse au mois de mars, c'est la chaleur intérieure qui revient et qui ne concorde pas avec la température. On a l'impression de tirer une charge, on ne se peut plus de retourner aux tam-tams le dimanche.

Bien sûr que non, je ne vais pas aux Tam-tams du Mont-Royal le dimanche. Je n'ai jamais eu besoin d'un prétexte musical bas de gamme pour me péter la face en plein jour. J'irai encore moins à jeun. C'est que, depuis que ''Tam-tams du Mont-Royal'' porte une majuscule sur Wikipédia, je l'utilise comme référence estivale.

J'étais en accord avec l'hiver parce que le froid était installé en moi depuis juin. Le décor extérieur soudainement faisait du sens. La pression est moins élevée, l'hiver. On pardonne tout au facteur, on utilise tous nos congés de maladie, on avale sans raison de plus grosses portions, comme si l'on se devait de faire des réserves pour chasser durant des heures, combattre les ennemis d'une main et construire un abri de l'autre. C'est pourtant fini, ce temps-là.

J'avais le loisir de ne pas retourner les appels de fantaisie. Maintenant, avec le retour du soleil, les gens recommenceront à avoir des idées de plaisirs en groupe. J'espère qu'ils auront raison et que je pourrai les suivre. Pas le dimanche, mais les autres jours.

J'ignore comment je me comporterai, avec toutes les libertés acquises depuis un an, au milieu d'une saison plus libre et plus permissive que moi. Peut-être me retrouvera-t-on, survoltée, sur un char allégorique en plein Festival Juste pour Rire?

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11 mars 2009

Fausse représentation

Si je n'étais pas une artiste - si je ne l'admettais pas le plus souvent possible pour l'ancrer comme il faut dans la tête des gens, parce que, admettons-le, être artiste est une condition qui ne vient pas nécessairement avec un diplôme, et donc pas nécessairement avec un salaire, ce qui permet à n'importe qui de se définir comme tel et ainsi justifier certains traits de caractère répréhensibles et honteux- je serais menteuse.

Mais menteuse à enfermer, j'entends. Si je m'imagine exerçant un travail concret, hygiéniste dentaire par exemple, bloquant autour de moi tout canal (jeu de mot de dentiste) permettant à l'artiste en moi de s'exprimer et si je m'imagine n'ayant développé aucun hobby créatif pour m'émanciper, comme le scrapbooking par exemple, je peux voir d'ici la dramatique tournure que prendraient les événements. Des patients floués par leur hygiéniste qui, profitant de leur condition de patients, entubés et la mâchoire à demi gelée, raconte des faussetés au sujet de patients imaginaires ou d'anciens collègues au passé douteux. J'irais peut-être même jusqu'à imprimer de fausses photos de patients et les coller sur le mur pour m'inspirer des faux souvenirs de carrière.

L'invention, donc, dans un but autre que le divertissement, quand les signes qui normalement annoncent une ''représentation'' ne sont pas présents - une lampe de dentiste ne donnera jamais l'illusion d'un éclairage de scène - est à proscrire. Apparemment, il y a une différence éthique entre raconter une mésaventure vécue en se rendant à un rendez-vous et inventer une mésaventure tout à fait plausible qui serait survenue en chemin, même si le divertissement en bout de ligne est identique. Pourtant.

Le monde ne sera pas moins équilibré si le nombre de mésaventures inventées dépasse celui des mésaventures vécues.

Les gens de mon entourage savent que je préfère mentir plutôt que de raconter une anecdote ennuyante. Pour leur plaisir personnel, toujours. Quel mal y a-t-il à s'approprier une histoire, si son propriétaire ne l'utilise pas comme du monde? Michel Barrette ne peut pas sérieusement avoir vécu tout ça. Voyons donc.

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10 mars 2009

Rire contagieux

Au temps où je croyais que la famille était le lieu de toutes les restrictions, je n'aurais jamais parié (jeune, je ne pariais pas plus que maintenant, quelle idée aurais-je eue?) que la vapeur se renverserait un jour en entier. Qu'aussi, avec le recul, je doive admettre que, non pas les temps ont changé, mais j'avais tort.

Il n'y a pas plus grande joie que celle provoquée par la famille, parce qu'elle happe au passage la notion d'amour inconditionnel, la mélange au sentiment de bonheur et justifie son existence. Pour quelqu'un comme moi qui traduit ''inconditionnel'' par ''obligé'', et ''obligé'' par ''non merci'', c'est doublement rassurant.

À l'intérieur d'un fou rire familial se cache donc un léger sous-texte qui ressemble à :''C'est d'autant plus drôle parce que nous sommes en famille; nous devrions nous aimer inconditionnellement, oui, mais pas nécessairement nous trouver géniaux jusqu'à nous faire rire au larmes.'', ce qui, je crois, prolonge le fou rire de quelques secondes et le sublime un peu dans les souvenirs. Tant mieux, ma famille et moi sommes remplis de ces souvenirs-là, si bien qu'à l'occasion, nous consacrons des soirées complètes à les passer en revue; une valeur sûre pour les soirs où nous n'avons pas assez d'entrain pour nous en créer de nouveaux. Le mandat, assez simple, du Bye Bye, en temps normal.

Avec les années, on se greffe à de nouvelles familles, en apparence plus libres. On y prend ses aises, on s'épanouit, on leur fait des propositions et ça fonctionne. On s'emballe de constater que l'on est assez bien outillé pour évoluer au milieu d'inconnus. Puis, on souligne quelques ratés, ici et là, et soudainement, c'est l'impasse. Un propos, une blague pourtant élémentaire, ne trouve pas son issue. La famille adoptée n'a pas suivi là-dessus. Déception.

On rentre à la maison.

On oublie parfois que certaines structures de raisonnements sont forgées très tôt, qu'elle nous suivront toute notre vie. Et qu'elles sont condamnées à n'être comprises et appréciées que par certains privilégiés, en particulier ceux dont nous avons porté le linge ou qui nous ont refilé de mémorables gastros.

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9 mars 2009

Du grand art

J'ai de plus en plus l'impression que l'art est plus grand que l'homme. L'art au sens large, la création (je ne connais rien à l'art visuel, que certains appellent l'art). J'imagine que c'est un peu pour cette raison que l'homme se définit souvent par ce qu'il fait, par son métier. À la question ''Qu'est-ce que tu deviens?'', il serait parfois plus vrai, mais peu approprié de répondre: ''Bah! Je suis de plus en plus généreux, ma colonne est de plus en plus souple à cause du yoga, avant je n'aimais pas beaucoup suivre une recette, maintenant oui, les changements de saison m'affectent de plus en plus avec l'âge, et toi?''

Mais le métier étant ce qui occupe concrètement la majeure partie de la vie, et pour certains la majeure partie des pensées, et pour quelques chanceux, comme Laure Waridel, ce qui procure la plus grande source de satisfaction personnelle, il est normal de répondre que dans la vie, nous devenons notre emploi.

La seule façon que j'aie trouvée pour cohabiter sainement avec l'idée que nous sommes finalement ce que nous faisons est d'étendre la notion de création à toute forme d'investissement personnel. De cette façon, même dans les milieux les moins artistiques du monde, il se trouve des gens assez zélés pour donner le meilleur d'eux-mêmes et laisser, par des idées ou des actions, une oeuvre derrière eux. C'est pourquoi j'ai tendance à penser que la création est plus grande que l'homme. Puisqu'en créant, l'homme se concentre sur lui et lègue le meilleur, alors qu'une fois de retour à ses occupations de base, il retouche à l'ordinaire et, si l'on fait une moyenne, rapetisse un peu.

Voilà la vision romancée du travail de bureau que mon imaginaire a créé expressément pour moi. À chacun sa trousse de survie.

Mon imaginaire a aussi décidé, pour moi, que ce que l'on ne voyait pas à la télévision n'existait pas. Ça m'a évité de sérieuses crises d'angoisse. Pour des raisons de santé, nous avons aussi conclu qu'à l'inverse, nous avions le droit de nier l'existence de ce que nous avons vu à la télé.

Selon ma théorie sur l'art, je soupçonne donc certains créateurs, tous domaines confondus, d'être plus petits et plus insignifiants que leur oeuvre. Ça expliquerait pourquoi j'ai adoré la série Jamais deux sans toi.

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8 mars 2009

Histoire de coeur

Je croyais que peut-être, le coeur, à force d'entraînement cardio-vasculaire quotidien, se musclerait assez pour ne plus tressaillir à rien, ou du moins, pour se ressaisir en moins de deux. Et bien, non. C'est une autre théorie métaphorique d'artiste qui ne vaut pas un sou. J'ai essuyé plusieurs revers à cet égard, comme le jour où j'ai dû admettre que le déroulement heureux ou malheureux de ma journée de travail ne dépendait pas de la coordination des feux verts que je croiserais sur le chemin de l'aller.

Il ne semble donc pas y avoir, selon mes humbles observations, de corrélation entre la grosseur physionomique du coeur et sa capacité à tolérer les assauts émotifs. Pourtant, il me surprendrait qu'un coeur de fourmi propose un très large éventail de déclinaisons sentimentales (à noter cependant que la greffe de coeur de porc chez l'humain risque d'être pratique courante avant longtemps).

Le coeur, contrairement au corps, serait donc incapable de transfert de compétences. Il peut apprendre à pomper mieux et plus longtemps sans pour autant améliorer son rendement en situation de peine d'amour. C'est décevant. Aussi exaspérant qu'un nouvel employé qui se spécialise tâche par tâche, sans jamais présenter d'évolution globale, ne serait-ce qu'en raison d'une prise d'assurance dans l'exécution de ses fonctions, qui rejaillirait potentiellement sur son sens de l'initiative, son autonomie, son entregent, etc. Ceux-là sont vite remplacés par des robots de nos jours.

Je ne remplacerai pas mon coeur par un robot. Mais je le garde à l'oeil. Je sais qu'il peut être vaillant. Pour me niaiser, il est aussi capable de développer des compétences aberrantes, comme se spécialiser dans le regret ou dans l'intransigeance. Il a conservé des connaissances inutiles en déni et il s'acharne à entretenir ma réputation de mauvaise perdante. Je sais aussi que c'est lorsqu'il me laisse croire qu'il est solide qu'il me lâche soudainement, peut-être pour me rappeler que je n’ai pas grandi tant que ça et que je ne devrais jamais donner de leçon à son sujet.

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7 mars 2009

Décompte

Malgré une tendance prononcée à la solitude, je suis habitée par la foi communautaire et je suis porteuse de puissants fantasmes d'union collective.

Je me débrouille plutôt mal au sein d'un groupe d'une dizaine de personnes. En général, j'évite de m'y retrouver puisque que j'ignore l'étiquette à suivre dans de telles circonstances. Ma personnalité est tentée à la fois de se démarquer en jouant du coude, et à la fois de s'identifier au groupe et de se fondre dans l'entité, pour la solidifier.

Au milieu d'une demi-douzaine de personnes, je suis aussi inutile que dans un petit avion en détresse; je tourne en rond en faisant semblant de porter secours. Au fond, je bouillonne d'insatisfaction devant mon incompétence, juste avec de céder au désintérêt complet, par incompréhension des rôles de chacun. Ai-je encore besoin de préciser que les extrêmes me conviennent davantage? Qu'on m'installe à bord d'un train bondé qui déraille et je retrouverai tous mes moyens.

Si je me force un peu, je peux former avec brio la deuxième moitié d'un duo. Je suis à l'écoute de l'autre, j'essaie de souligner ses talents et je provoque des situations où il pourra les faire valoir. Mais c'est soit dans la solitude complète, soit en collectivité extravagante (à condition, bien sûr, que la raison du rassemblement fasse du sens à mes yeux, ce qui est assez rare; une finale à Wimbledon, l'assermentation d'un président touchant, par exemple) que se déploient le mieux mes compétences d'humain.

Là où je veux en venir, c'est qu'en ce jour spécial où, collectivement, nous changeons l'heure, Jean-Marc Parent et moi avons un pincement au cœur.

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6 mars 2009

Aux aguets

Opérer des changements majeurs dans son mode de vie implique ouvrir davantage les yeux sur ce qui existe autour de soi, d'abord pour refaire des choix parmi l'ensemble des propositions et ensuite remplacer les anciennes coutumes par de nouvelles, plus actuelles, plus harmonieuses. Le muscle de la curiosité ainsi se développe et prend ses aises. Et sans préavis, il se fracasse le nez sur la paroi dure et froide du non-sens, tel un flamboyant participant de Wipeout.

Ma voisine possède des chiens qui émettent des cris de monstres. Les monstres, par définition, sont des créatures fantastiques imaginées par l'homme pour terroriser. Il a fallu les inventer parce qu'aucune entité réelle n'arrivait à glacer suffisamment le sang des hommes. Ma voisine, donc, s'impose d'évoluer quotidiennement dans un environnement sonore de film d'horreur, en échange d'un peu d'affection canine. Lorsque j'entends les bêtes s'entretuer de l'autre côté du mur, je comprends mieux pourquoi les résultats d'un sondage sur la tolérance peuvent être si encourageants, alors que les exemples de racisme et de sexisme pleuvent encore. Il faudrait demander aux répondants leur définition de tolérance.

C'est ma curiosité aiguisée par la quête d'exemples qui m'amène à soulever ce comportement. Ce n'est pas de gaieté de cœur. Je ne suis pas de nature curieuse. Si Chantal Lacroix était ma voisine, j'aurais des anecdotes d'entraide excessive à raconter. Il n'est peut-être pas une mauvaise idée de choisir son logis en fonction de ses voisins, et ses voisins en fonction de ce qu'ils nous offrent comme image. Il est aussi une bonne idée de ne pas laisser entrer André Arthur chez soi par le téléviseur.

Si je pouvais choisir mon voisin, je sélectionnerais Benoît Girard ou Christiane Pasquier (pour ceux qui ne les connaissent pas, remplacez la fin de la phrase par ''des gens qui ne brassent pas fort fort, mais qu'on ne pourrait s'empêcher d'épier''.

La curiosité développe la patience. Les paparazzis n'ont pas que des défauts. Observer est le propre de celui qui écrit, mais c'est aussi l'obligation de celui qui veut guérir. En ce sens, il faut s'attendre à être sollicité par plusieurs médecins charlatans qui distribueront diagnostics et remèdes à l'aveuglette. Et à passer tout droit devant le vrai potentiel guérisseur, trop préoccupé que l'on est (ou que je suis) à souligner les absurdités environnantes, qui pour vrai prennent souvent toute la place dans le portrait, mais qui ne guérissent rien en bout de ligne, laissant le curieux, malgré toute l'acuité qu'il possède, bien perdant et bien démoralisé certains jours.
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5 mars 2009

Réunion au sommet

Il appert (tiens! le verbe apparoir) que, de toutes les résistances que mon être propose, c'est de la critique de moi-même dont je me méfie le plus. Il faut être diablement disposé pour se convaincre du bien-fondé de ses actes et pensées, pour soi-même, parfois contre l'opinion générale, avec son bon instinct comme seul dictateur.

Remarquez, certains automatismes n'ont pas besoin d'analyse pour témoigner de leur bonne ou mauvaise foi. Les qualités et les défauts purs ou indécomposables: le don de soi, la générosité, la bonté, l'altruisme (bon, tous des synonymes) et leurs contraires (par défaut, des synonymes aussi). Ce sont les zones grises, les métissées, qui causent problème et minent la tranquillité d'esprit. Lorsque par exemple, le goût du succès, chez moi un automatisme de bonne intention, trouve un pair sur son chemin, sur lequel ou sur l'ego de qui il faudra marcher. Victor Hugo écrivait: ''J'ai l'honneur d'être un homme haï.'' Je n'en suis pas là. Par contre, je connais le sentiment inverse, de celui qui hait par envie, pour l'avoir vécu lorsque Julie Lemay, la gagnante de Loft Story 1, a publié son premier livre intitulé ''Un automne au loft''.

Voilà une autre zone grise qui mérite qu'on s'y attarde: dire la vérité, mais se rabaisser considérablement au passage.

Le critique de soi-même, pour quelqu'un qui ne supporte pas l'autorité, est donc le seul véritable patron. C'est le Far West. Je provoque deux parties de moi-même en duel pour prendre une décision, donc je gagne. Et je perds.

Je ne tire pas de conclusion (je conserve même quelques interrogations au sujet du verbe apparoir) mais je me demande: malgré le succès, la richesse, les maîtresses (information non vérifiée), Victor Hugo haïssait-il quelqu'un, lui?

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4 mars 2009

Messages envoyés

J'écris des lettres. Je fais ça pour exprimer mon sens du tragique. Au quotidien, je suis agréable et joviale. Dans mes lettres, je suis insupportablement lourde et lancinante. Si c'est votre anniversaire, une lettre de moi pourrait tuer votre esprit festif. Si je suis amoureuse de vous, ne l'ouvrez même pas.

Il faut voir le personnage qui s'attable, se faisant croire qu'il s'apprête à inonder son correspondant de compliments et de gentillesses alors qu'il déversera plutôt sur lui ses propres tourments. Que j'aimerais devoir porter des lunettes à ce moment-là, et me permettre un verre de scotch, pour l'image. Un jour, chez un antiquaire, j'ai hésité devant une lanterne et un encrier.

C'est mon côté romantique, sa seule manifestation ou presque (je vous parlerai un jour de mon amour pour la musique country). C'est aussi la nostalgie des siècles derniers, la libre expression de la partie de moi qui aurait tant aimé compter Simone de Beauvoir parmi ses connaissances.
Je ne les envoie pas toutes, mes lettres. Parce que si l'acte de les écrire a quelque chose de théâtral, leur processus d'expédition, dans mon imaginaire, frôle l'épopée.

J'ai mis presque deux mois à me remettre de mon dernier envoi. J’ai déposé la lettre à la poste, d’un geste assuré, et la photographie mentale que j’en ai prise au fond de la boîte aux lettres, au milieu des toutes les enveloppes, adressées aussi minutieusement que la mienne, dans lesquelles mes voisins avaient déposés d’autres informations précieuses, m'est restée en tête et m'a fait découvrir l'insomnie.

Mille fois plus que le fait que la main du destinataire éventuellement risquaient de la tenir, que ses yeux la parcourraient sûrement et que son être intégrerait les nouveaux paramètres qu’elle lui apprendrait, voulait avant tout dire pour moi que l’histoire se continuait, reprenait là ou elle avait été laissée. Que les prochains jours allaient au moins me donner l’excitation de penser qu’à tout instant, sa pensée possiblement se dirigerait vers moi. Avec un peu de chance, ma tristesse avait, savait-on jamais, rejoint la tristesse de quelqu’un d’autre au fond de la boîte et de nous voir, comme ça, en train de chercher par tous les moyens sinon de s’en libérer, du moins de l’atténuer, me réconciliait avec elle et me soulageait grandement.

Il y aurait tôt ou tard des conséquences à l’envoi d’une telle missive et l’étendue des possibilités étant infinie, j’appréhendais l’avenue qu’emprunterait la situation comme on redoute la nouvelle venant du téléphone au milieu de la nuit. Et tranquillement, l’angoisse a trouvé son chemin et fait son nid à l’intérieur de moi, si bien qu’à un certain moment, j’ai bien cru être sa définition.

Je préfère envoyer un message texte.

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3 mars 2009

Faire la paire

Le meilleur ami de l'homme n'est pas le chien, n'en déplaise à Louise Forestier. Si la référence ne vous dit rien, c'est donc que j'ai fait un cauchemar dans lequel Louise Forestier avait perdu la tête et qu'on la laissait chanter ''j'aime un chien'' sur tous les plateaux de télévision, les yeux vitreux.

Le meilleur ami du monde est celui auprès de qui nous ne nous sentons menacés de rien. Celui que nous laissons discuter librement avec notre mère sans mourir d'inquiétude. Celui que nous admirons juste assez pour prendre son opinion en considération, pour avoir envie de le rendre fier, et pas assez pour accepter d'être dans son ombre, ou pour voler ses vêtements (si Kylie Minogue me proposait son amitié, il serait de mon devoir de refuser). Le meilleur ami du monde est aussi celui aux côtés de qui nos séances hebdomadaires de body fitness ne deviennent pas soudainement stériles. Désolée Kylie. En revanche, celui qui côtoya Louis Cyr de trop près s'est peut-être considéré petit à tort toute sa vie. Peut-être n'a-t-il jamais soulevé les montagnes qu'il aurait dû.

Le meilleur ami du monde est celui auprès de qui il ne se passe rien. Juste une complicité, un silence brisé pour ne vivre que le moment présent, ou pour faire une blague gratuite sur Martin Deschamps (pour ceux qui osent). Pas de jalousie, pas de pitié, pas de projection surtout. Et pas de fusion complète - le contrat amical ne propose pas cette clause, du moins ne la recommande pas. Voyez ce qu'il est advenu de Paris et Nicole, de Dodo et Denise, de Francis et Vincent (Kiwis). Francis volait-il les vêtements de Vincent pour humer son parfum dans sa voiture? Peut-être. Vincent, quant à lui, envoyait sûrement des vœux de bonne fête à tout l'entourage de Francis en émettant des signaux de fumée, ce qui à la longue irrite la gorge. La situation est vite devenue intolérable pour les deux parties.

Mais si l'image de Gaston Lepage et Patrice L'Écuyer, tout sourire dans une chaloupe, sur un lac perdu du Nord québécois, est la représentation idyllique de l'amitié dans mon imaginaire, elle n'est toutefois pas la plus dynamique.

Avant que la sagesse ne m'assomme pour de vrai, je prévois encore viser plus grand que moi en amitié, quitte à mettre une croix sur ma tranquillité et à vivre dans l'insécurité.

Trouver un meilleur ami, donc, est beaucoup plus complexe que d'aller faire un tour à l'animalerie. Qu'on fasse taire Louise Forestier. Mais il n'est pas nécessaire d'avoir le meilleur ami parfait. Il est plus classique d'avoir un meilleur ami qui nous mette dans tous nos états parce qu'il réveille en nous des sentiments refoulés, qu'il expose devant nous des qualités et aptitudes que nous ne possédons pas. D'avoir un ami à qui nous sommes tentés de nous comparer, qui nous fait suffoquer lorsqu'il discute avec notre mère. Plus classique d'avoir un ami qui partage les mêmes intérêts que nous, donc qui nous dérange en étant soit plus compétent, soit moins sérieux, ou, le comble! les deux à la fois.
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2 mars 2009

Sans rancune

Il n'y a rien de plus insultant que de se faire observer depuis le confort. Et rien de plus rassurant que d'observer les autres depuis le confort. C'est un cercle vicieux, un énorme engrenage aussi puissant que les éléments, qui s'amuse à nous faire passer de la complaisance au doute, de la critique sans fondement à l'auto-démolition, pour nous garder bien en vie.

C'est pourquoi la plupart des gens qui entrent dans un nouveau lieu ne peuvent s'empêcher de dévisager les autres. Pour savoir tout de suite de quel côté de la poulie ils se trouvent. Par exemple, j'entre au théâtre et je me demande: ''Suis-je dans la catégorie ''trop habillée''? Mon Dieu, oui! Pourtant, j'aurais cru... Ah! C'est que je suis aussi dans la catégorie ''en retard'', donc en compagnie des gens qui n'ont pas pu se forcer.''

Ces informations recueillies, je devrai attendre l'entracte pour savoir si je jugerai ou serai jugée.

(À noter que, dans le cas ci-haut, je me suis mise en scène par simple politesse. Je ne suis jamais ni trop habillée, ni en retard. Au théâtre, pour être honnête, je n'ai aucune idée duquel côté de l'engrenage je me trouve, trop concentrée que je suis à chercher de l'inspiration pour mon blog. Pour le savoir, je devrais consulter un autre spectateur qui analyse peut-être le public en même temps que moi. Nous pourrions passer le reste de notre vie ensemble...)

Sur une terrasse, l'été, une jeune femme tout en confort, accrochée à son verre, à son push up bra et à son cercle d'ami fade, se permet de cruelles allusions à votre égard. D'un simple coup d'œil, elle vous renvoie de vous une image grotesque, sans même vous connaître. Certaines sont vraiment fortes à ce jeu. Les cosméticiennes, entre autres. Réconfortez-vous; pas plus tard qu'hier, deux saisons plus tard, j'ai vu la même fille perdre pied sur la première marche de l'escalier du Mont-Royal. Amputée de ses amis fadasses, le push up bra dans le menton, elle est simplement entrée du mauvais côté de l'engrenage. Dans l'Encyclopédie des expressions françaises, on appelle ça le retour du balancier.

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1 mars 2009

Convenances

C'est avec les gens dont je suis amoureuse que j'arrive à parler de température. Avec eux seulement. Ce qui voudrait dire qu'il y a des années entières durant lesquelles aucune phrase aux accents météorologiques n'est sortie de ma bouche. C'est faux, malheureusement. Dans mon monde idéal. Dans la réalité, j'ai échappé des millions de phrases aux accents de Colette, en sacrant intérieurement à chaque fois et en contractant tous les muscles de mon corps, comme si je participais à une compétition d'haltérophilie, sans aucune technique et beaucoup d'orgueil. Pousser de toutes mes forces pour faire passer le mal. Nécessaire et quotidien, dans le cas de la température.

(Oh! Me relisant, je constate la sournoise influence d'un chanteur populaire pour lequel je n'avais, jusqu'à la seconde passée, aucun respect. Comme quoi on change...)

Les discussions au sujet de la température avec un amoureux sont supportables pour la simple raison que les facultés du cerveau sont alors altérées par l'amour. Que la température dont il parle est d'abord la température au milieu de laquelle il resplendit, lui. Ce n'est pas la même météo dont parle le commis du dépanneur, oh non. Celui-là n'a visiblement jamais visité l'Eldorado; comment pourrait-il avoir une idée du temps qu'il y fait?

Ce genre de discussion n'est pas la seule chose qui, à mon avis, devrait être réservée aux amoureux. Ou, du moins, que les purs inconnus ne devraient jamais partager. Un repas, par exemple. Quelle idée saugrenue que celle du fameux dîner d'affaires? Pourquoi ne pas se taper un sauna, tant qu'à y être? C'est un concept qui, je le prédis et le souhaite, vieillira aussi mal que le look (pour ne pas dire le son) de Stefie Shock.

Je n'ai jamais, dans le passé, douté de ma compétence pour les relations interpersonnelles au sens large. Au contraire, je croyais exceller. J'ai pourtant, à mon insu, passé des années à inventer des tactiques pour les supporter, à essayer de m'y sentir à l'aise et à ma place, et à me croire. Jusqu'au jour où j'ai accroché mes patins, arrêté de boire, de sortir, de fumer.

Pour me rendre compte qu'avec mes vices sont aussi disparus les autres. C'est à croire que je les consommais dans le même but. Pour m'étourdir et regarder ailleurs qu'à l'intérieur de moi. J'ignore toutefois encore lesquels, des vices ou des gens, m'incitaient à consommer les autres.

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