17 mars 2009

À sa mesure

Ça m'amuse de constater que je ne sais pas dessiner, alors que quand je songe à moi qui dessine, le résultat est tout à fait réussi. Dans ma tête, ma main ressent très bien le crayon et comprend le travail à faire pour reproduire ma pensée. Dans la réalité, je n'arrive pas à tracer un coeur et je rate souvent ma signature.

Ce déséquilibre doit se produire souvent, dans toutes les sphères de ma vie. Dans la certitude d'avoir la capacité d'exécuter une tâche, physique ou mentale, souvent on ne se l'impose pas, convaincu d'un succès immédiat dont la vérification serait une perte de temps. Si l'on essayait tout ce que l'on pense pouvoir accomplir, on aurait la surprise de se heurter à de honteuses infirmités.

Récemment, j'ai constaté avec étonnement que ma lecture à voix haute était lamentable. Je ne sais pas respirer, j'angoisse et je change les mots, ce qui rend mon auditeur confus. À l'inverse, je me soupçonnais d'être incapable de tenir un bébé.

Vous remarquerez que, dans les émissions de cuisine, plusieurs invités ne savent pas se servir d'un couteau. Ils sursautent à chaque fois que le couteau passe à travers l'aliment et frappe la planche. Ils deviennent mal à l'aise et semblent tous ignorer qu'ils avaient, jusqu'à ce jour, cette incompétence.
Moi, je sais que je ne peux pas conduire une voiture, que je ne sais pas faire une béchamel, que je lis difficilement l'heure sur une horloge, que je ne sais pas d'emblée quel mois vient après celui en cours, que je ne sais pas m'occuper d'une plante. Toutes des incapacités dues à un manque d'intérêt. Le dessin me laisse indifférente aussi, cela dit.

Ce qui me fait peur, ce serait d'apprendre sur le tard un handicap que j'aurais à exécuter une tâche que j'imaginais facile et que je considérais accessible à tout moment. Que j'aurais passé une partie de ma vie à juger froidement le travail des autres et à le tourner en ridicule sans avoir moi-même une once de talent dans le domaine. Avouez que c'est épeurant.

N'oublions pas que ce dans quoi nous excellerons sera ce dont nous aurons envie de parler, à la résidence, quand nous pourrons à peine bouger et que la vie sera remplies de vieilles anecdotes de compétences.

Mieux vaut prévenir. Moi, j'ai déjà engagé un scripteur.

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